La
nuit dans ce
trou (1).
Canon,
mitrailleuses, fusillades, mines, grenades ! Fusées
pareilles à des étoiles filantes. Cependant, pas
d’attaque et nous ne bougeons pas : c’est un
secteur
agité. Froid. Tout recroquevillé, je dors. Il pleut au petit jour. … un bombardement assourdissant (2) et qui se rapproche avec fureur : on dirait d’énormes pavés dans une lyre aux cordes bien tendues ; un choc furieux et des vibrations charmantes, mais discordantes… Quelques petits éclats à mes pieds, en attendant le bon. Déjeuner. O joie ! cinq lettres !… Nettoyage du boyau. (Penses-tu !) J’y rencontre une corvée, des territoriaux du …° (3), qui viennent d’enterrer les morts, et dont l’un deux, portant un petit réservoir rouge sur les épaules, les a bien arrosés au crésyl. Relu et corrigé tout doucement la Déclaration des Droits des Peuples. Le temps est gris, froid et cruel, et sent bien plus la Toussaint que la Pentecôte. Vers huit heures et demie, ordre de monter en première ligne, rassemblement dans le boyau, gravissement de l’affreux sentier : une boue gluante où les pieds s’enracinent, des pierres, des marches, des trous pleins d’eau… Halètements, battements de cœur si brusques que je crois me trouver mal. Effondrements, gourbis enterrés, affreux saccage de la terre. Odeur cadavéreuse. Plusieurs morts. Notre bout est le bout du boyau, à quinze mètres des Injustes. Sacs, créneaux très mal disposés. Nuit absurde. Dix mille ( ?) cartouches au moins brûlées, sans compter le canon, les mitrailleuses, les fusées… Une heure de veille, une heure de sommeil. Résultat, une fatigue excessive… la nuit assis sur le sac dans une espèce d’anfractuosité. Grand froid et grand sommeil. |
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