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Nous sommes toujours dans ce triste pays ou tout vous rappelle la gigantesque bataille qui s’y livre. Les débris du régiment sont logér dans les péniches et chalands le long du canal de la Meuse et moi-même je couche depuis 3 jours dans un remorquer, ce qui me rappelle tout à fait mes voyages pour aller aux états Unis, j’ai une petite couchette assez confortable éclairée par un hublot et j’ai dormi la au moins 12 heures par nuit depuis que nous avons eté relevée des tranchées. Je suis à peu près remis de mes fatigues et la nourriture un peu plus convenable m’a remplumé car j’avais perdu plusieurs kilos pendant ce séjour infernal. Nous nous occupons à réorganiser les compagnies du regiment avec le peu de gradés qui nous restent. Le Colonel m’a donné le commandement du 10eme Compagnie et vous pouvez m’adresser vos lettres la dorénavant. Cela me donne un peu plus de travail car il faut s’occupé de la partie administrative mais j’ai aussi des avantages un cheval a ma disposition. C’est d’ailleurs tres interessant malgré les responsabilites. Je ne sais pas du tout ce que l’on va faire de nous, je ne crois pas que l’on puisse nous renvoyer dans la mêlée dans l’etat ou nous sommes. Je suppose que l’on va nous renvoyer un peu plus à l’arrière pendant quelques temps pour nous renformer. |
Une photo inédite de Frédéric Ponselle : des soldats sur le "Hercule". Avant de monter au front, le régiment comptait 60 officiers et 2674 hommes... Le 5 juin 1916, le 28e RI stationnera dans les péniches installées le long du canal parallèle à la Meuse à Haudainville. Les hommes y resteront jusqu'au 13 juin. |
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Nous sommes montés aux tranchées le samedi 27 Mai entre le fort de
Douaumont et celui de Vaux, mais plutôt sur la gauche du fort de Vaux,
les 3 ou 4 jours : 1er jours nous n’avons pas eu trop a souffrir. Le
bombardement était très violent, mais le 1er Juin, jour de l’Ascension,
les boches nous ont attaqués brusquement avec une bombardement
inimaginable, le obus de gros calibre pleuvaient littéralement sans
arrêt, les troupes a notre gauche avaient cédé du terrain et il nous
fallu aller contre attaquer . Des compagnies sont revenue avec a peine
une douzaine d’hommes. Moi-même j’avais été envoyé avec presque toute
ma compagnie pour formé un poste avancé sur la pente du fort de Vaux
dans un ravin balayé continuellement par l’artillerie et pendant 3
jours je n’ai pas pu fermer l’œil, conscient que j’étais de la terrible
responsabilité de ma situation. Les boches pendant ces trois jours nous
ont déversé une trombe de mitraille sur laquelle mes hommes ont fondu
jusqu’à ne rester qu’une douzaine, quand on m’a relevé de mon
poste a chaque instant on venait m’annoncer qu’un tel avait été tué ou
blesse, il n’y avait pas moyen de nous envoyer des vivres et de l’eau
et il fallait compter chaque goutte d’eau qui nous restait. Tous cela
semble maintenant un épouvantable cauchemard et je me demande comment
j’ai pu passer au travers de tout cela sans une egratignure alors que
presque tous mes camarades ont eté blessés ou tues. |
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Photos inédites de Frédéric Ponselle. Collection : Jacques Ponselle. |
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J’ai été le
témoin des scenes atroces au poste de secours ambulance rempli de
blessés bombardé par les boches et prenant feu, les malheureux brûles
vifs pendant que les boches redoublaient le bombardement sur
l’incendie, les tranchées et les boyaux étaient pleins de cadavres et
de blessés couverts de sang et de l’avis de tous jamais il n’y avait un
pareil tuerie et pareil spectacle ; et pour emmener tous ses
malheureux, il fallait faire 5 ou 6 kilomètres dans des boyaux
bombardés. Je vous assure que le jour ou nous avons été relevés nous
n’avons pas été longs à partir. J’ai faille être tués deux ou trois
fois, il s’en est fallu d’une seconde ayant vu ceux qui étaient devant
moi recevoir les eclats d’un obus qui était tombé à un mètre ou 2 de
moi. J’ai pris que 2 photos d’1 endroit où j’étais. Un petit poste sur
les pentes du fort de Vaux. J’espère qu’elles seront bonnes et vous y
verrez les troncs de chène superbes fauché à ras de terre par les
obus. Il n’y a plus trace de verdure dans ces bois. Tout est noir et
crible de trous d’obus, on se demande comment on ne devient pas fou
dans des moments pareils, mais on sent à peine la fatigue, tous les
nerfs sont tendus et ce n’est qu’après lorsque le danger s’est éloigné
que l’on tombe litteralement de fatigue et d’énervement. |
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Photos inédites de Frédéric Ponselle. Collection : Jacques Ponselle. |
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Toutes
mes affaires sont dans un état pitoyable, mon sac a ete crible
d’eclats
d’obus et quand j’ai voulu faire ma toi… [toilette
?] je me suis aperçu
que ma brosse a dent etait en morceaux, mon blaireau a barbe en
métal etait complètement dechiqueté, une petite
gourde en aluminium
completement transpercée. C’est cependant grace a ces
affaires que mon
dos a eté protegé et je ne peux pas trop m’en
plaindre. Je vous demanderai de faire lire cette lettre a Milly a qui j’avais promis de raconter mon séjour aux tranchées, je ne me sens pas le courage d’ecrire tous cela en anglais pour le moment. Le morale n’es pas mauvais. |
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Le repas. Frédéric Ponselle (à gauche) devant un abri. Frédéric connaîtra en 1917 les terribles combats du Chemin des Dames. Il quittera le 28e RI pour former les cadres de l'armée américaine. Photo inédite de Frédéric Ponselle. Collection : Jacques Ponselle. |