À la recherche de la tombe de son père
par Andrée Damsin (fille d'Adolphe Orange)
Texte écrit dans les années 80

Mon père Adolphe ORANGE
soldat au 28e Régiment d’infanterie est tombé le 26 Mai 1915 « au pied» de l’église d’Aix Noulette nous a-t-on dit sa section était cantonnée là et c’est en partant à l’attaque qu’une balle l’a frappé près du cœur.
Un camarade du même pays l’a vu revenir vers le cantonnement, il marchait mais lorsqu’ils sont rentrés de cette attaque cet ami a appris le décès de mon père, et par une lettre adressée à mon grand-père lui donnant les détails ci-dessus, lui a dit que son fils reposait maintenant dans la fosse commune du cimetière d’Aix Noulette. Je pense que c’était là un pieux mensonge, car nous n’avons jamais été renseignés sur l’endroit de la sépulture malgré toutes les recherches que j’ai pu faire plus tard et les lettres adressées tant au service des Nécropoles qu’ailleurs. Tous ses papiers nous ont été retournés, seule la plaque d’identité a du lui être laissée. Alors je crois et j’espère qu’une petite partie de lui repose à Lorette.

Dès l’été 1919, j’avais 9 ans, nous sommes partis, ma mère, un oncle et une tante, pour Aix Noulette. Il nous a fallu descendre à Arras, prendre un train pour Lens et puis un autre pour Bully Grenay. Déjà par le parcours en train, nous savions ce qui nous attendait, l’horreur a commencé peu avant Albert, en ruines, l’église n’avait plus que quelques pans de murs. Arrivés à Bully nous avons cherché à nous loger. Une dame a mis à notre disposition son grenier, une partie du toit manquait.


Andrée Damsin en 1919

Aix-Noulette, 1919. Andrée entre sa tante et sa mère.

Nos repas ? Je ne sais plus mais nous mangions.
Ce qui a frappé la gamine que j’étais c’est que mon oncle achetait son tabac chez le pharmacien et le pain aussi je crois.
Et les estaminets avec la cuisinière dans un coin de la salle et la cafetière toujours chaude. Et là nos recherches ont commencé en direction d’Aix Noulette :
des tombes, des tombes rassemblées par endroits formant de petits cimetières sans clôtures, certaines croix portaient un nom complet, d’autres le début ou la fin d’un nom, puis de place en place mais de nombreuses fois : 25 soldats inconnus, plus loin 10 ou 15 soldats inconnus et cela tout le long de notre chemin.


Andrée et Magdeleine Orange dans les ruines d'Aix-Noulette (62)

Aix-Noulette, 1919. Andrée et sa mère.



Et puis des chaussures racornies dans l’une il y avait des restes humains. Des casques, des balles qu’on faisait brûler. Et les entonnoirs, que d’entonnoirs ! Nous faisions le trajet un peu en zig zag. Quand nous voyions une tranchée et des gourbis, ma mère y descendait, moi aussi parfois, mais maman voulait je pense s’imaginer comment son mari avait vécu pendant quelques mois.


Chateau Aix Noulette



Je suis retournée, un jour en semaine pour que la mairie soit ouverte, à Aix Noulette, là j’ai demandé si le nom de mon père figurait sur les registres ? Non, où se trouvait la fosse commune ? Personne ne savait. Il y a beaucoup de tombes militaires dans ce cimetière. Mais c’est dans le cimetière communal que j’ai trouvé la tombe d’un soldat inconnu et puis lors d’une autre visite, cette tombe avait disparu, transférée à Lorette certainement.
Enfin, la publication du plan des ossuaires a été une bonne chose. Je vais toujours me recueillir, en souvenir de Melle Ball, sur la tombe de son frère et non loin de lui, il y a la tombe d’un soldat inconnu. Je l’ai adoptée !!!
Je ne sais si vous avez eu le courage et la patience de lire ma « littérature » jusqu’ici ? J’ai relu avec émotion « Hommage à Gaëtan Dejeante » paru dans le bulletin du 3e trim. 1992.

Un jour lors d’un voyage avec ma mère nous nous reposions dans un estaminet, avant de prendre le chemin pour Lorette, il y avait un piano mécanique, deux jeunes filles sont entrées, ont choisi une valse et l’ont dansée, puis elles sont reparties bars dessus bras dessous. C’était dans les années 1925/26. Dans cette région j’ai trouvé les gens gais. Tout se reconstruisait et la vie suivait son cours.

Les photos proviennent de la collection familiale Damsin (enfants d'Andrée). Merci à Jean-Claude pour son travail de numérisation et d'archivage.


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