Le 28e régiment d’infanterie
en Artois

(mai-octobre 1915)

Extrait de l'Historique du 28e Régiment d’Infanterie
par le lieutenant Jouannon du 28e Régiment d’Infanterie



                   L’Artois                                                                                                                    

La 10e armée venait de déclencher son offensive (9 mai) et c’est dans l’enthousiasme qui régnait à son arrivée dans cette région que le 28e connut l’ordre du général d’Urbal :

Soldat de la 10e armée !
Notre offensive a heureusement débuté : 3.000 prisonniers dont 50 officiers, 6 canons, un nombre important de mitrailleuses sont vos trophées dans ces deux jours !
Le moment est venu de porter à l’ennemi le grand coup et de libérer définitivement notre sol de la présence détestée de l’envahisseur.
La France vous regarde et compte sur vous !

Hélas ! À peine ouverte, l’ère des succès était déjà close.
Après l’attaque victorieuse du 33e corps, alors commandé par le général Pétain (notre ancien divisionnaire), le Boche s’était ressaisi, il allait réagir violemment avec une artillerie puissante devant laquelle allaient se briser tous nos efforts.
La 11e brigade est mise à la disposition du général Lombard (43e D.I.), à Aix-Noulette.
Du 15 au 21 mai, le 28e est engagé à Notre-Dame-de-Lorette. Ses tentatives d’attaque sont anéanties par un feu sans précédent. Le 16 mai, la compagnie Fitte repousse une violente attaque avec une vigueur et un brio qui forcent l’admiration du 10e bataillon de chasseurs à pied, en ligne avec elle.
Mais le régiment, très éprouvé, est relevé. Il se reconstitue et, le 25, il remonte en ligne pour un nouvel effort. Il faut s’emparer du bois Carré et de la triple tranchée des Saules, noms qui resteront glorieusement mais tragiquement fameux dans les annales du 11e brigade.
Le 26 mai, le 28e reprend l’attaque menée la veille par le 24e, et qui a échoué. Il n’est pas plus heureux. Le lieutenant-colonel Capitant est blessé, les cadres sont anéantis, les pertes énormes.
Un dernier effort est demandé au bataillon Hislaire. Le lieutenant Deschamps, qui commande la 12e compagnie, reçoit l’ordre d’attaquer encore – « J’irai, dit-il au commandant, je serai tué, mais au moins que ma mort soit la dernière de la journée ! » Il commence à gravir l’échelle de franchissement et tombe frappé d’une balle à la tête.
C’est fini !
Le 28e est relevé. Son audace, son entrain, sont venus se briser contre un adversaire plus nombreux et formidablement organisé ; 21 officiers et 1.000 hommes sont tombés dans une après-midi.

Seule, la compagnie Jérôme, a pu atteindre les tranchées allemandes et progresser dans l’intérieur du bois Carré. Mais prise sous un violent bombardement, contre-attaquée de tous côtés, elle est rejetée à la nuit dans nos tranchées.
Le capitaine Jérôme était fait chevalier de la Légion d’honneur.
Le général commandant en chef adressait ses félicitations à la 11e brigade pour sa conduite au feu dans le secteur de la 43e division d’infanterie.
Le général commandant la 10e armée, à l’occasion du retour des éléments dispersés sur le front, écrivait au général commandant le corps d’armée que « partout  où elles ont été engagées, les troupes du 3e corps se sont fait justement apprécier ».


Photo de l'historique du 28e RI


                   Neuville-Saint-Vaast                                                                                                

Relevé dans la nuit du 27 au 28 mai, le régiment commandé par le lieutenant-colonel Roller, va connaître jusqu’au 15 juin un repos réparateur employé à la reconstitution des cadres et à l’incorporation de la classe 1915.
Le 15 juin, il est à Agnez-lez-Duisans, où il est prêt à intervenir dans une deuxième tentative de percée vers Ablain-Saint-Nazaire.
Il n’est pas appelé à marcher et jusqu’au 3 juillet, il connaît de nouveau le repos à Fresnicourt et Valhuon.
Dans la nuit du 4 au 5 juillet, il vient prendre position dans le secteur de la Targette, au nord de Neuville-Saint-Waast.
C’est un secteur rude, théâtre de combats acharnés depuis un moi et demi, et où vient de se distinguer la 5e division, que le général d’Urbal devait appeler la « division de Neuville-Saint-Vaast ».
Rien n’est organisé. Il faut créer : abris, boyaux de communication. L’ennemi, qui connaît parfaitement la région, la bombarde avec une violence inouïe. C’est l’époque où les drachens plongent leurs regards sur le secteur, appelant leur artillerie dès que la moindre occasion se présente de tirer.
Les travaux se poursuivent quand même.
Le 11 juillet, le régiment est relevé. Une nouvelle incroyable l’attend à son arrivée au cantonnement : des permissions vont être accordées.
On ne peut y croire. Cependant, et semblant hésiter, les premiers permissionnaires s’en vont prendre le train qui va les mener dans leur famille.
Encore une période de secteur, puis, le 25 août, c’est le départ pour le grand repos dans la région de Saint-Pol, à Nuncq. Le régiment y reste jusqu’au 21 septembre. Il y subit un entraînement intensif en vue d’une prochaine offensive à laquelle la division doit prendre part. La préparation est minutieuse : la position à attaquer est figurée, grandeur réelle, sur le terrain.
Le général Foch vient lui-même exposer aux cadres la mission à remplir.
Le moral est superbe. On a foi dans le résultat de cette nouvelle poussée ; on parle d’une débauche d’artillerie sans précédent. Nous ne serons pas seuls à attaquer : à notre gauche, les Britanniques déclencheront une offensive et, sur un théâtre plus éloigné, en Champagne, une offensive de plus grande envergure doit être menée. Le temps superbe permet toutes les espérances.
Dans la nuit du 21 au 22, le régiment, dont les hommes viennent d’être munis du nouveau casque, monte en secteur devant la crête de Vimy, face à son objectif : les Cinq-Chemins, le bois la Folie.
Jusqu’au 24 septembre, c’est la préparation : l’artillerie ouvre un feu d’enfer, les derniers travaux sont poussés activement.
Malheureusement, le 24 au soir, éclate un orage terrible, qui transforme les boyaux en fondrières. Les hommes sont trempés, alourdis par la boue qui s’accroche aux vêtements. Néanmoins les parallèles de départ sont garnies, les nouvelles de succès en Champagne et des succès des Anglais à Loos y parviennent.
C’est avec cette enthousiasme, le 25 septembre, à l’heure H (midi 25), après une action de lance-flammes menée par les pompiers de Paris, que la première vague franchit le parapet dans un superbe élan.
Mais l’artillerie, malgré son effort, n’a pas opéré une destruction suffisante. Certaines organisations ennemies tiennent toujours, notamment la barricade des Cinq-Chemins.
Le commandant Hislaire, qui commande son bataillon depuis septembre 1914, est tué en enlevant ses hommes. Le commandant de Montluc est blessé. Au 24e, le colonel Pineau est blessé dans une lutte à la grenade.
Jusqu’au 27 septembre, le régiment va s’user dans des attaques partielles.
Le 28, à 13h40, sur nouvel ordre, l’attaque générale est reprise. Cette fois, c’est en dehors des boyaux, sur la plaine, que la progression s’effectue avec un élan remarquable. Le commandant Sauget, le capitaine Frémont sont blessés. Mais les objectifs sont atteints : la barricade des Cinq-Chemins, le chemin Creux, les Vergers de la Folie sont tombés entre nos mains avec un nombreux matériel et plusieurs centaines de prisonniers.
Des prodiges d’héroïsme ont été accomplis : le colonel Roller, renversé par l’éclatement proche d’un obus de 150, conserve néanmoins son commandement ; le soldat Winkel, de la 10e compagnie, tue de sa main un officier qui refusait de se rendre et atteint avec son escouade l’artillerie ennemie dans le bois de la folie ; le soldat Foucaux de la 10e compagnie, séparé de son unité et chargé d’une mission de liaison avec celle-ci se porte à l’assaut : il s’élance avec elle et se distingue dans cette attaque.
Le 1er octobre, le régiment était relevé. Mais, pour permettre une dernière tentative, un nouvel effort lui était demandé. Avec des effectifs très faibles, presque sans cadres, il tenait, du 6 au 11 octobre, la région de Roclincourt, partie plus calme de ce front endiablé.
Le 11 octobre, il était mis définitivement au repos à Wamin. Le général Jacquot, commandant la division, justement fier de ses régiments, leur adressait un ordre de félicitations.

La division rentre du front dans ses cantonnements de repos après avoir conquis de haute lutte trois lignes successives de tranchées ennemies formidablement défendues.
Dans la bataille, les quatre régiments d’infanterie ont rivalisé d’élan, de bravoure et d’héroïsme.
Le général commandant la D.I. leur adresse ses félicitations et l’hommage de son admiration.
Il salue leurs drapeaux qui se sont couverts d’une nouvelle gloire.
Il s’incline respectueusement devant les tombes de ceux qui sont morts pour la patrie et forme les vœux les plus ardents pour la guérison rapide des blessés.
Il convie tous ceux qui sont restés debout à s’entretenir dans la volonté d’arracher définitivement la victoire à l’ennemi détesté.
(Ordre général n°63 de la 6e D.I., du 9 octobre 1915.)

Tout le 3e corps d’armée, d’ailleurs, s’était magnifiquement conduit. Une citation à l’ordre de l’armée couronnait ces journées de lutte acharnée :

Le général commandant la 10e armée cite à l’ordre de l’armée le 3e corps d’armée :
Sous le commandement de son chef, le général Hache, a fait preuve au cours des attaques des 25, 26, 27, 28 septembre, de remarquable qualités d’entrain, de vigueur et de ténacité et a enlevé une importante partie de la position ennemie.


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