Bandeau de la page consacrée à François Ollivry, sergent au 28e RI
Josiane Tassiello nous confie les photos de son grand-père, François Ollivry, sergent mitrailleur au 28e RI, blessé le 1er octobre 1915 lors de l'offensive du Bois de la Folie en Artois. Ces remarquables clichés nous rappellent les conséquences de la Guerre où des milliers d'hommes furent handicapés à vie. Laissons Josiane Tassiello nous parler de son grand-père :

François Ollivry est né le 22 décembre 1889, rue du faubourg Saint-Honoré, à la hauteur du 208, dans un fiacre, certainement trop pressé de découvrir le monde, il n'a pas attendu d'être à l'hôpital de l'Hôtel Dieu. Issue d'une famille bretonne de la région de Pordic (Cotes-d’Armor), de souche paysanne, sa mère, Marie Anne Ollivry, est montée à Paris en 1875 pour y être placée comme cuisinière ou domestique. Sa mère et lui vivent quelques temps à Boulogne-Billancourt, près du pont de Suresnes. Marie Anne travaille à Suresnes, comme cuisinière, dans un café-restaurant où elle fait connaissance de son futur mari, teinturier. Ils se marient en 1893. Vers 1906, le couple, François et sa demi-sœur (par alliance) viennent habiter à Argenteuil. François y fait sa scolarité et apprend le métier de serrurier, il aime la vie, aime danser (surtout la valse) le dimanche en allant sur les bords de Seine dans les guinguettes.


François Ollivry, pompier.
François, sapeur-pompier à Argenteuil (Val-d'Oise). François est au dernier rang (le 3e en partant de la droite)


François fait partie des sapeurs pompiers de la ville d'Argenteuil, peut-être est-ce cela qui lui a permis de garder son sang froid et un certain réflexe qui sauvera sa vie sous les tirs et les bombardement de l'ennemi. Il est incorporé dans l'armée le 5 octobre 1910 au 71e Régiment d'infanterie, sous l’immatriculation 2277, soldat de 2e c1asse. Il sera caporal le 24 septembre 1911 puis envoyé dans la disponibilité le 25 septembre 1912.


François Ollivry lors de son service militaire au 71e Régiment d'infanterie
François, lors de son service militaire au 71e Régiment d'infanterie. François est au premier rang, marqué d'une croix.


La guerre 14-18 déclarée, François part avec la mobilisation générale le 1er août 1914.  Arrivé, le 3 août 1914 au 28e Régiment d'infanterie, il est nommé sergent le 6 septembre 1914. 

François Ollivry au front
François Ollivry au front. Photo probablement prise début 1915. François est au premier rang à gauche.


En septembre 1915, son régiment est en Artois au nord d'Arras dans le Pas-de-Calais. Comme il est dit dans les livres d'histoire, la bataille est dure, terrible : reconquérir le terrain, tranchée par tranchée.
À la fin de l’offensive, le 1er octobre 1915, François se trouve avec les soldats de sa compagnie de mitrailleurs dans le secteur «du bois de la folie», sous les tirs d'obus allemands. Un obus explose, pas très loin d'eux, ensevelissant François et l'un de ses compagnons. François est blessé.

François sera cité à l’ordre de la division : « Sous-officier énergique d’un sang froid remarquable au feu. Adjoint comme sergent à une section de mitrailleuses, s’est trouvé enseveli en même temps qu’un homme de sa section et blessé lui-même grièvement, a d’abord songé à dégager le soldat enterré à ses côtés. »

Sépulture d'Émile Guincestre, mitrailleur au 28e RI
Photo de la sépulture d'Émile Guincestre. Nécropole nationale de La Targette.
Né en 1889; Émile Guincestre était mitrailleur. Il fut blessé ce 1er octobre 1915. Il décéda des suites de ses blessures.
Il sera cité à l'ordre du régiment : "Enterré sous un obus, à moitié dégagé, sa première parole fut : ‘Ma pièce est toujours là !‘."
Émile est-il le soldat aidé par François Ollivry ?


Est-ce l'instinct de survie ? Ce que nous a raconté notre grand-père quelques fois, c'est qu'il a eu le réflexe de lever les bras et malgré ses blessures, a pu se dégager et déterrer le compagnon, qui était aussi très grièvement blessé, se traîner avec lui, jusqu'aux abris et attendre les secours. Ses deux jambes et ses pieds furent criblés d'éclats d'obus. Il fut transporté dans différents hôpitaux mais surtout dans un hôpital militaire à Caen.
À l'hôpital de Caen.
À l'hôpital de Caen (il est indiqué par une croix).

Le 4 novembre 1916, après, plusieurs opérations, il est amputé au niveau du genou droit et de quelques orteils du pied gauche.

Groupes de soldats blessés avec François Ollivry.
Groupes de soldats blessés avec François Ollivry (marqué d'une croix).

Titulaire de la Croix de guerre et de la Médaille inter-alliés, il est décoré de la Médaille militaire le 6 juin 1928. Il sera nommé chevalier de la Légion d'honneur le 24 juillet 1937 et officier de la Légion d'honneur le 16 juillet 1955.

Décoration de François, Cherbourg, 1916.
Décoration de François, Cherbourg, 1916 (indiqué par une croix).

Bien sûr, il a été récompensé par des médailles pour cet acte de bravoure, mais que de souffrances de 1915 à 1926… Toute cette guerre a retenti sur sa famille et ses enfants. Nous les petits-enfants, nous avons connu probablement la meilleure période de sa vie.  Nous sommes tous nés dans les années 1943 à 1948, et te temps avait peut-être permis à notre grand père d'accepter et de supporter son handicap. Il avait des douleurs fantômes, il avait l'impression d'avoir des douleurs au pied amputé. Il lui arrivait de nous fabriquer des jouets rustiques, avec des morceaux de bois.

Photo de famille.
Photo de famille : François avec sa fille et sa femme (à droite).

Après 1926, il ne peut plus exercer son métier de serrurier. La ville d'Argenteuil lui propose le poste (réservé) de préposé aux abattoirs d'Argenteuil de 1927 à 1942. Puis, nos grands-parents vont vivre dans l'Yonne de sa pension de guerre. Cela n'est pas la richesse, et malgré sa jambe de « bois », (les prothèses de cette époque n'étaient celles d'aujourd'hui) il fait du jardinage et élève quelques volailles avec l'aide de son épouse.
François Ollivry avec sa femme.
François Ollivry avec sa femme (1926).

Il meurt à l'hôpital de Sens en 1958 d'une opération relativement banale.


Un très grand merci à Josiane Tassiello pour ce témoignage sur son grand-père.


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