Eugène Weismann sur le Poste parisien, novembre 1951
Le 10 novembre 1951, sur les ondes du Poste parisien, Eugène Weismann, président de la Fédération nationale des combattants volontaires (FNCV) se souvient du printemps 1915 au 28e RI, son ancien régiment d'infanterie. Voici un extrait du numéro 180 de la revue Les Volontaires faisant écho du passage radiophonique de son président.


Printemps 1915

"Nous sommes persuadés que nos camarades qui n'étaient pas à l'écoute le 10 novembre seront heureux de prendre connaissance des quelques mots prononcés par notre Président Fédéral Weismann à l'émission "Magazine des A.C." au Poste Parisien.

Le 28e Régiment d'Infanterie – 3e Corps – après avoir passé un hiver quelque peu agité et bien inconfortable à Berry-au-Bac, était envoyé au repos quelque part en Artois. 1
Ce repos précédait l'offensive d'avril au cours de laquelle ce régiment devait être engagé devant Souchez, Neuville-Saint-Vaast, la crête de Vimy.  2
Un caporal était ce jour-là dans un champ et faisait bouillir le singe, entouré des hommes de son escouade, acroupis autour de lui.
A 100 mètres, sur la route, une voiture s'arrêta, trois hommes descendirent, l'un deux se dirigea rapidement vers l'escouade et apostrophant un des poilus, lui demande brusquement :
 - Quel est ton métier dans le civil ?
L'homme, croyant avoir affaire à un officier d'État-Major (peu populaire à cette époque) répondit :
- Cordonnier, et j'en ai marre !
L'Instituteur, le Boulanger, le Débardeur et les autres, toujours accroupis, le nez dans leurs gamelles, firent à la même question des réponses analogues.
L'homme debout, leur dit alors :
- Eh bien, moi aussi j'en ai marre ! Il y a assez longtemps que ces bougres-là nous empoisonnent, les gars, il n'y a qu'une solution, demain on en met un grand coup, on les fout dehors et on rentre chez soi - d'accord ?
L'homme en manteau gris s'éloigne rapidement et les poilus toujours assis par terre, virent arriver en courant l'adjudant qui leur cria :
- Dites donc, vous n'avez pas dit trop de ... bêtises ? C'est Foch.
Quelques jours plus tard, cette escouade avec les débris de sa compagnie (quatre escouades au total) arrivait la première en haut de la Crête de Vimy et ces hommes qui la veille en avaient marre s'y cramponnaient seule trois jours et trois nuits malgré les assauts du régiment de la Garde Frédérick de Prusse. 3
Tel était le formidable ascendant de Foch sur les hommes. Foch avait admirablement compris les Volontaires et disait d'eux :
- Ils ont fait leur devoir, oui : mais plus que leur devoir.
J'apporte ici la gloire du Maréchal Foch le témoignage des Combattants Volontaires des deux guerres et de la Résistance.
Tous, en 1914 et dans les années qui suivirent, nous fûmes accueillis dans les tranchées par des boutades dans le genre de :
- Tu t'es engagé pour la Boule ? (la boule de pain). T'avais donc rien à manger chez toi ?
Beaucoup répondaient en blaguant que c'était pour la paye (un sou par jour).
Un hommage d'un tel chef, d'un tel soldat, sans doute le plus grand et le plus humain, ne pouvait être oublié.
Ce que Foch disait des Volontaires de 1914-1918 est resté la devise de ceux de 1939, de la Résistance, de 1945 et aujourd'hui de ceux d'Indochine.
Comme Foch, nous pensons qu'au-dessus de la guerre il y a la paix et nous souhaitons ardemment avoir été les derniers Volontaires, mais si, par malheur, la défense du pays l'exigeait, la phrase de Foch reprendrait toute sa force et sa grande ombre nous montrerait encore la route du devoir et de la victoire."

Notes
1. Ne s'agit-il pas de l'automne 1915 ? L'auteur ne parle-t-il de septembre 1915 ?
2. En mai 1915, le 28e RI a combattu à Noulette, au pied de Notre-Dame-de-Lorette. C'est en septembre que le régiment fut appelé à combattre à Neuville-Saint-Vaast pour s'emparer de la crête de Vimy (offensive du bois de la Folie débutée le 25 septembre 1915).
3. Serait-ce la 9e compagnie du 28e RI qui réussira à percer les lignes le 25 septembre 1915 ?

En savoir plus :
Eugène Weismann, un ancien du 28e RI

Un très grand remerciement à la Fédération nationale des combattants volontaires (FNCV) pour sa disponibilité et son remarquable accueil dans ses locaux parisiens.


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