Bandeau de titre de la page consacré à Émile Desmarre, lieutenant du 28e RI, tué le 15 mai 1915

Le corps d'un officier du 28e RI
Vers le 17 mai 1915, alors que l'offensive d'Artois s'enlise laborieusement sur la colline de Notre-Dame-de-Lorette, un médecin aide major du 3e Bataillon de chasseurs à pied, apprend que le corps d'un lieutenant du 28e d'infanterie git en premières lignes. Ce corps est celui de son ami Émile Desmarre dont il ignorait la présence dans cette partie du front.
Il demande alors aux brancardiers de relever la dépouille de l'officier, ceux-ci l'enterrent loin des tranchées, près de la ferme Wosten à Noulette.
Desmarre sera l'un des rares hommes du 28e RI bénéficiant d'une sépulture individuelle. Le lieutenant partagera cette parcelle de terre avec des morts des 149e, 158e, 281e Régiments d'infanterie et du 3e Bataillon de chasseurs à pied (BCP).
Dans les années vingt, les corps de ce petit cimetière – appelé aussi cimetière C – seront exhumés et placés dans la future nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette. Au contraire de dizaines de familles cherchant désespérément le corps du défunt parmi les inombrables croix de bois anonymes, la famille Desmarre aura "la chance" de se recueillir devant une croix portant un nom, celui d'un père de deux enfants.

La sépulture d'Émile Desmarre du 28e RI
Photo actuelle de la tombe d'Émile Desmarre dans la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette (photo : Frédéric Videlaine).
Avant 1922, Émile Desmarre reposait dans l'un des petits cimetières de Noulette : le cimetière C appelé aussi cimetière Wosten.
Durant cette période, l'abbé Darras recensa la multitude de carrés militaires et de sépultures isolées.
La tombe numéro 8 était celle d'Émile Desmarre.


Retour à 1914 : de la retraite à l'Artois
À la déclaration de la guerre, Desmarre est appelé à rejoindre le 228e RI. Stationnant trois semaines à Évreux, il ne tarde pas à rejoindre le 28e RI en pleine retraite à la hauteur de Laon. Là, il va connaître les longues marches vers la Seine. Sa route s'arrête le 4 septembre : il reçoit une balle au bras droit lors du combat de la ferme des Thomassets à la Ville-sous-Orbais. Soigné, Émile Desmarre revient rapidement au front et rejoint la 2e compagnie du régiment qui tient le hameau abandonné de Sapigneul au bord de l'Aisne. Fin avril, le 28e quitte l'Aisne pour l'Artois. Le 6 mai 1915, il change de compagnie et dirige la 12e compagnie avec les sous-lieutenants Aubriot, Chéron et Meybeek, l'adjudant Jardinet et le tout jeune aspirant Laparra.

Les premiers morts d'Artois
Le 15 mai 1915, en fin d'après-midi, le 3e bataillon du 28e RI monte en ligne afin d'épauler les régiments de la 43e Division d'infanterie. C'est la première fois que le régiment est en contact avec l'ennemi en Artois. La confusion est extrême, les Allemands pillonnent le secteur et sont encore maîtres des hauteurs de Lorette. Desmarre dirige ses hommes dans un secteur où les abris n'existent pas. À 16h30, le lieutenant Desmarre est tué. Émile Aubriot, son second, est frappé mortellement vers 17 heures. Le sous-lieutenant Henri Chéron et le jeune Pierre Laparra sont blessés. Le reste de la compagnie reviendra de l'enfer le 17 mai encadré par le sous-lieutenant Meybeek et l'adjudant chef Jardinet.

Notice de prière d'Émile Desmarre. Collection Collectif Artois
La croix de guerre portée sur la photo par Émile Desmarre est certainement dessinée.
Cet officier était bijoutier-horloger dans le civil.


Le 11 juillet 1915, Émile Desmarre sera cité à l'ordre de l'Armée : "Malgré un feu violent d’Infanterie et d’Artillerie, a porté sa compagnie dans les tranchées de première ligne qu’il avait ordre d’occuper et a été tué au moment où il disposait sa troupe pour l’attaque." Plus tard, après la guerre, sa femme et ses deux enfants participeront aux recueillements et pélerinages organisés par l'association des familles de Lorette. Ils feront poser une plaque à la mémoire du père sur les murs de la basilique de Notre-Dame-de-Lorette.

la plaque d'Émile Desmarre, basilique de Notre-Dame-de-Lorette

Notes en plus :
- Suite à la décapitation du commandement de la 12e compagnie, le sous-lieutenant Paul Déchamps de la 3e compagnie sera nommé à la 12e compagnie pour en prendre la direction. Le sort s'acharnera sur cette compagnie puisqu'il sera tué le 26 mai 1915. Meybeek et Jardinet seront blessés en septembre devant le bois de la Folie.
- Les corps identifiés du cimetière Wosten seront transportés dans la nécropole. Les corps "anonymes" (tombes collectives, croix avec des noms illisibles) de ce cimetière furent placés dans l'ossuaire numéro n° 5 (ossuaire "Pétain") avec ceux des cimetières Orchard et Zeffé.
- Concernant les combats de mai 1915 dans le secteur de Noulette, on pourra lire les pages du blog consacré au 149e Régiment d'infanterie réalisé par l'ami Denis Delavois.

Un grand merci à Alain Chaupin, Thierry Cornet, Denis Delavois et Frédéric Videlaine du collectif Artois.

Sources :
- Fiche "Mort pour la France" d'Émile Desmarre.
- Journal des marches et des opérations du 28e RI, SHD, Vincennes.
- Fonds d'archives de l'abbé Darras.
- Blog du collectif Artois.
- État civil du régiment, recueil 6137, Archives nationales, Fontainebleau.

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