Suresnes, avril 2011,
16h10.
Je quitte le travail, laissant le Mont-Valérien derrière moi. Le
transilien entre dans la gare Saint-Lazare en plein lifting.
Je me
faufile entre les banlieusards de l'Ouest. Je jette un petit regard
à ma gauche sur les panneaux des trains qui vont en Normandie : Évreux,
Le Havre, Rouen, Deauville, Cherbourg...
Je sors
de la gare, direction Saint-Augustin.
Combien de jeunes hommes
ont emprunté cette rue de la Pépinière pour se rendre à la caserne
du
28e ?… des centaines… des milliers ? Je pense au patois
normand d'Émile Hérelle, soldat de la classe 11 qui fut tué
à Verdun
en
juin 1916.
Me voici déjà devant l'église et devant le très sélect cercle des
officiers.
Cette fin de journée est radieuse et les terrasses des cafés sont bondées.
J'ai soif, la brasserie de la Pépinière est là, c'est la fameuse brasserie
dont je pousse la porte. Je vide mon sac sur le comptoir et en sors un
extrait de bulletin de l'amicale du 28e RI daté de 1968...
En
mars 1968, Jean Bouteiller organise un rassemblement parisien pour retrouver les anciens du régiment. La
dernière réunion locale d'ampleur avait eu lieu en octobre 1964 au
café Gauchon, rue Vercingétorix.
L'ancien adjudant Bouteiller avait ainsi proposé la date du samedi 6
avril. Cette journée débuta par une
cérémonie religieuse dans l'église Saint-Augustin face à l'emplacement
de la caserne de la Pépinière où bon nombre de jeunes hommes firent
leur service militaire dans les rangs du 28e RI. Une délégation
d'anciens du 24e RI s'était jointe au groupe. Dès la sortie de la messe,
les anciens se parlèrent, discutèrent. Madame Saint-Mleux, femme de
l'ancien président donna des nouvelles de la santé de son mari quelque
peu alarmante.
Mais le clou du rassemblement fut bien sûr le
repas. La troupe traversa la route et s'engouffra dans la brasserie de
la Pépinière.
Laissons le journal de l'amicale relater le repas :
Comme il
arrivait au front, lorsqu'une période calme succédait à un
bombardement, nous devions, après cette heure de recueillement, avant
celle aussi émouvante qui devait terminer la journée, retrouver
l'ambiance des bons moments.
À deux pas
de Saint-Augustin, sur l'emplacement de l'ancienne caserne
où quelques-uns de nos Camarades présents avaient accompli leur
"active", Madame Boussuge, propriétaire de la "Brasserie de la
Pépinière", nous accueillait avec beaucoup de sympathie.
Auparavant
son fils nous réservait la surprise de photographier notre
groupe devant la plaque rappelant que, de cette caserne, le Général
Joffre avait commandé la 6e DI ; malheureusement survenu la veille à
l'appareil n'a pas permis d'obtenir des clichés valables.
Et nous
passions à table où, grâce à nos Amis du 24e qui ne nous
quittèrent pas et ceux des nôtres qui ne s'étaient pas fait inscrire,
il fallut mettre des rallonges ; nous étions 32 et c'était une bien
agréable surprise pour tous nos convives.
Le repas
était à l'échelle de l'accueil de nos traiteurs, nous y
retournerons l'an prochain. Il fut animé, bruyant même, les photos
souvenirs circulèrent, les histoires aussi ; nos responsables prirent
la prole : Bouteiller pour rappeler, avec beaucoup de foi, la nécessité
de ces réunions alors que nous le pouvons encore ; le Président Boulay
pour remercier l'assistance et les dames venues nombreuses ; enfin le
Colonel Lecointe, pour exprimer la joie de ses amis du 24e.
Ce fut une
occasion pour renouer avec la Brigade et le Régiment frère ;
un certain vaguemestre du 28e se trouvait voisin d'un ancien
vaguemestre du 24e, ils ne s'étaient pas rencontrés depuis l'occupation
en Palatinat.
Un grand
absent ne devait pas être oublié ; une délégation composée du
Lieutenant Navarre et du Sergent Major Trupel, après le repas, aller
présenter au Colonel Minart, ancien Capitaine de la 11e, l'affectueux
souvenir de notre amicale et nos vœux pour l'amélioration de sa santé.
La flamme de l'inconnu
En fin
d'après-midi les délégations de nos deux Régiments
reconstituaient symboliquement la 11e Brigade pour défiler derrière la
Musique et participer à la cérémonie sous l'Arc de Triomphe où nos deux
présidents devaient, ensemble, raviver, la flamme qui brûle nuit et
jour devant la tombe où repose celui qui représente pour nous tous les
Morts de nos Régiments.
À l'une ou
à l'autre de ces réunions et pour beaucoup, aux trois, nous
avons noté la présence de : Mme M. Bonneau G., Bosquier J., Bouteiller
et
Mme M., Boulay P., Comte G., Conil Lacoste et Mme L., Delisle J.P.,
Govare G., Heger B., Jeanne L., Lefebvre J.H., Lemaître E. Levasseur et
Mme E., Leveque et Mme L., Mauchien et Mme A., Menigault H., Navarre et
Mme O., Perdriat G., Poignant E., Prieur Mme, Saint-Mleux Melle M.L.,
Sterckeman R., Thiesselin A., Trupel G., Vlamertynghe et Mme.
Nous ne
manquerons pas de citer nos amis du 24e qui ont bien voulu se
joindre à nous avec leur Président le colonel
Lecointe-Dauvergne-Langele-Schindler et Wernet.
Nous
prions ceux de nos camarades que nous aurions pu omettre de bien nous
vouloir nous excuser.
Ce fut une
journée bien remplie à tous points de vue ; elle permet
d'envisager pour l'an prochain une semblable manifestation du Souvenir,
espérant que nos amis parisiens viendront plus nombreux encore.
Je finis mon verre. Le patron n'est pas là. C'est le fameux fils à l'appareil photo. C'est lui qui a repris la
brasserie.
Je repasserai... Je reprends la rue de la Pépinière et
prends mon RER pour la banlieue vers la gare de Noisy-le-Sec où tant
d'hommes des tranchées ont dormi avant le front...
à suivre...
En savoir plus :
- Jean Bouteiller, l'appel de 1968