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Juillet 1919
Le 23 juillet 1919, dans le cimetière communal de Sissonne on découvre que la tombe d'un militaire a été ouverte et que le cercueil a disparu... La sépulture est celle de Georges Choquin, soldat du 28e Régiment d'infanterie tombé en octobre 1918 dans le camp de Sissonne. On dresse un procès-verbal. Depuis novembre 1914, l'exhumation et la restitution des corps des militaires morts au feu sont interdites.

Hasard ou fait délibéré, le corps a été exhumé la veille de l'anniversaire du défunt.

Le cimetière communal de Sissonne. Photo : V. Le Calvez
Coupure de presse locale : extrait des Tablettes de l'Aisne du 3 août 1919.

Cette exhumation clandestine est certainement l'œuvre de la famille ou d'un proche qui a souhaité rapatrier au plus vite le corps faisant appel  à un "marchand de la mort", entrepreneur peu scrupuleux de pompes funèbres.

Ce jeune soldat français, instituteur dans le civil, appartenait à la 7e compagnie du 28e RI, et fut tué neuf mois plus tôt dans le camp alors que le régiment libérait la région.

Georges Choquin (1898-1918), tué à Sissonne le 14 octobre 1918

Retour en octobre 1918
En octobre 1918, nous sommes en pleine guerre de mouvement, les Français remontent vers le Nord-Est et les Allemands se replient de plusieurs kilomètres par jour. Les hommes, exténués depuis l'offensive d'août, courent après les occupants.

Le 13 octobre, le 28e RI dépasse le Chemin des Dames, traverse la plaine et entre dans le camp de Sissonne. À l'État major, on est optimiste et les premiers objectifs sont lointains. Malheureusement, les fantassins vont se heurter à une ligne de résistance bétonnée et fortement fortifiée : la Hunding-Stellung, dernier rempart allemand composé de tranchées profondes anti-chars et hérissé d'une série incalculable de bunkers.

Carte du secteur occupé par le 28e RI le 14 octobre 1918
Carte de la ligne de front le soir du 14 octobre 1918
et reste de barbelés de la tranchée de la Dobroudja (combats des 15 et 16 octobre 1918).



Le lendemain, le 28e RI progresse difficilement dans le camp et tente de dépasser la route Sissonne-La Selve. Le lieu est un véritable guêpier, les nombreux bosquets protègent des mitrailleuses sous abris bétonnés et les hommes du 28e ne savent où se terrer. Désorientés, ils sont également pris pour cible par l’artillerie allemande. C'est le 3e bataillon qui avance ; en deuxième ligne suit le 2e bataillon avec la 7e compagnie de Georges Choquin.

Carte du secteur occupé par le 28e RI le 14 octobre 1918
Le 14 octobre, les hommes de la 7e compagnie se trouvent à l'ouest de la cote 104 au secteur dit de la Folie.
Bordant la route menant de Sissonne à Jeoffrécourt, un arbre y abritait un crucifix.

Les bombardements se font de plus intenses et on compte dans les rangs du 28e RI les premiers blessés. Le jeune Choquin fait partie des premiers tués de Sissonne : il reçoit un éclat d’obus à la tête et décède dans l'après-midi. Le soldat est alors enterré sur place.
En novembre 1918, Georges sera cité à l'ordre de la 6e division (ordre n°349bis du 3 novembre 1918).

La sépulture provisoire de Georges Choquin (1898-1918). Collection F. Guinard.
Première sépulture de Georges Choquin, probablement située près de la cote 104.
La décoration est attentionnée : pierres blanches, branches tressées. Les numéros de sa compagnie et sa classe sont même indiqués sur la croix.
Il s'agit peut-être de l'œuvre de ses compagnons qui restèrent dans le secteur plusieurs jours avant la fin de la guerre.
Photo : collection F. Guinard.


Plus tard, le corps de Georges sera transféré au cimetière communal de Sissonne. Mais fait étonnant, alors que ses compagnons défunts sont inhumés dans le cimetière militaire au nord de Sissonne (ancien cimetière allemand), Choquin est le seul du 28e enterré dans le cimetière communal près de l'église...

Extrait de l'inventaires des tombes dans le cimetière communal de Sissonne, décembre 1918.
Extrait de l'inventaire des tombes du cimetière communal de Sissonne, décembre 1918.
Georges Choquin est l'unique soldat du 28e tué à Sissonne, enterré dans ce cimetière civil.

On notera au passage l'erreur dans la date de décès.

Neuf mois après son décès, il sera donc exhumé une deuxième fois pour une destination qui actuellement n'est pas connue de ses descendants : il repose peut-être dans un caveau de famille dans un des nombreux cimetières parisiens.

Les mercantis de la morts, L'Intransigeant, 2 septembre 1919
Extrait de L'Intransigeant, 2 septembre 1919.
De nombreuses entreprises proposèrent d'exhumer et de transporter les corps contre des sommes souvent très élevées.
Parfois, des artisans locaux aidaient en fournissant des cercueils.
Il faudra attendre la loi de 1920 concernant le transfert des corps dans les cimetières communaux pour arrêter ces rapatriements clandestins.

 
à chercher...

Appel à témoin
Si vous parcourez les nombreuses allées des cimetières de Paris ou de Dijon, n'hésitez pas à chercher les tombes des familles Choquin ou Prieur (nom de jeune fille de la mère de Georges) : on pourrait ainsi espérer retrouver la trace de ce jeune homme décédé dans les premiers jours de ses vingt ans.

Remerciements à François Guinard, descendant de Georges Choquin et à Jean-François Martin, passionné de l'histoire de Sissonne.

Vade mecum
Georges, Pierre, Edmond Choquin est né le 24 juillet 1898 à Dijon (Côte-d'Or) de Jean et Marie Choquin.
Il est châtain, avec des yeux gris bleu et est assez grand : 1,80 m.
Sa profession est instituteur. Habite rue Jeanne-d'Arc à Paris.
Il est incorporé le 16 avril 1917 au 104e RI puis passe au 103e RI le 18 décembre 1917.
Soldat de 1re classe le 4 avril 1918. Il arrive au 28e RI le 17 juin 1918.
L'acte de décès de Georges Choquin est signé par le lieutenant Hibert, officier des détails du régiment et par les soldats Carlos Béasse et Édouard Le Mesne de la 7e compagnie.


Sources
- Actes de décès de Georges Choquin, archives départementales de Paris.
- Fiche "Mort pour la France" de Georges Choquin, Mémoires des hommes.
- Fiche registre matricule de Georges Choquin, cote D4R1 2056, archives départementales de Paris.
- Journal des marches et des opérations (JMO) du 28e RI, SHD, Vincennes.
- Martin (Jean-François), La Selve Aisne, 2010, 338 p.
- Pau (Béatrix), "La violation des sépultures militaires, 1919-1920", "La mort", dossier, Revue historique des Armées, n°259, 2010, p. 33-43. Consultable ici.
- Sépultures de guerre, relevés des cimetières provisoires, commune de Sissonne, document de la 3e Armée, décembre 1918, Archives départementales de l'Aisne.
- Les Tablettes de l'Aisne, 3 août 1919.

En complément sur ce site
- La liste des tués de Sissonne (octobre 1918).
- Le Journal des marches et des opérations (JMO) du 28e RI : octobre 1918.
- La montre du soldat inconnu.

 
Histoire du 28e RI en 14-18  accueil du site dédié à Adolphe Orange et au 28e RI