Les souvenirs de François Roquet
Un ancien qui avait 20 ans en 1917
raconte la prise du saillant de Deimling le 31 juillet 1917
Cinquante ans après
l’enfer de la Première Guerre mondiale,
l’amicale des anciens combattants du 28e RI, du 228e RI et du 18e
RIT tente de regrouper ceux qui ont connu les tranchées dans les
rangs
des régiments d’Evreux. Dans l’un des numéros
de leur gazette de l’année 1976, on lit un
récit sur la prise du saillant de Deimling du 31 juillet 1917.
Un témoignage signé par François Roquet, un bleuet
rescapé de la 11e compagnie.
Voici l'article retranscrit, publié dans Le bulletin de l’Amicale des anciens du 28e RI. 1er trimestre 1976.
"Chemin des Dames. Combat du 31 juillet 1917
Dans un précédent Bulletin, sous la rubrique au Saillant
de Deimling, nous soumettions à nos lecteurs, après le
récit du capitaine Duché de la 12e qui commandait le 3e
bataillon celui des aventures survenues à nos amis Paul
Douyère de la CM1 et Georges Hoenig de la Iere, « cueillis
» tous les deux par l’ennemi alors qu’ils occupaient
un abri ex allemand (PC Kléber) très profond dans lequel
le capitaine Dherse s’était installé avec sa
liaison et, en réserve, la Ière compagnie
commandée par le capitaine Guillebot et que les trois autres
compagnies occupaient ce saillant et ignoraient encore qu’elles
allaient être attaquées par leurs arrières. Il nous
a été rapporté que le jeune sous-lieutenant
Veuillet de la 3e avait été tué à bout
portant par un officier allemand, alors qu’il faisait un geste de
défense.
Un extrait de La Gazette des Ardennes,
journal de propagande allemande en français.
On peut y lire la liste des officiers détenus dans la
région de Karlsruhe
avec notamment le commandant Henri Dherse (Dherx...).
Aujourd’hui, c’est notre camarade François Roquet,
classe 17 de la 11e qui veut bien nous communiquer ce qu’il a
retenu de ce combat au cours duquel, tactique et surprise
conjuguées, l’ennemi aurait pu nous chasser de ce secteur
qui domine le plateau.
Dans la correspondance que nous entretenons avec lui depuis qu’il
a rejoint l’Amicale, peu après le décès du
colonel Minart, il a souvent évoqué pour nous les
péripéties de ce combat auquel il a participé avec
nos amis de la 11e ; nous pouvons le résumer ainsi :
« Ayant fait mes classes à Pannette, avec la classe 17, je
suis monté en renfort et affecté à la 11e en
février 17 jusqu’en novembre 17 au cours duquel je fus
blessé devant Saint-Quentin.
Quelques instants après le lieutenant Minart le fait remplacer
par mon camarade Joseph Picard, la place n’était pas
enviable et le tir continue. Je me souviens qu’à un
certain moment le canon de mon fusil était devenu blanc et
l’arme se grippait ; j’ai dû la démonter,
l’essuyer avec mon mouchoir et la remonter au plus vite.
Vers quatre heures de l’après-midi, l’ordre est
passé d’économiser les munitions et de tenir
coûte que coûte ; pendant ce combat acharné,
j’ai vu le lieutenant Minart armé d’un fusil muni
d’un tromblon, lancer des grenades VB.
Les territoriaux venus avec le ravitaillement en munitions, sont
restés dans le boyau d’Avesnes, écrasés par
le bombardement allemand.
En fin d’après-midi, le calme revint progressivement et il
se mit à pleuvoir. Le lendemain matin nous sommes
informés qu’un avion français viendrait en
reconnaissance vers 10 h. pour repérer les positions ; il fut
accueilli par un tir de fusants dont nous recevions les
éclaboussures.
Le 2 ou le 3 août, nous fûmes relevés par un
régiment venu d’Alsace, le secteur était redevenu
calme ; le restant de la 11e, une vingtaine, est redescendu par le
boyau d’Avesnes dont, par place, il n’y avait plus de
trace. Au repos dans la grotte de l’Yser, nous remontions le soir
pour réparer les tranchées du secteur ».
Merci, cher ami Roquet, de ton récit qui ne manquera pas de
rappeler bien des souvenirs à tes camarades de la 11e,
rescapés de ce combat, dont l’Amicale se flatte de compter
une bonne dizaine sur son contrôle ; peut-être seront-ils
tentés de compléter tes souvenirs en nous signalant ce
qu’ils ont retenu de leur propre poste de combat.
Que se serait-il passé, après la disparition du bataillon
Dherse, alors que le capitaine Duché était
neutralisé au fond du PC Frise, avec sa liaison et une compagnie
de réserves, si les contre attaques menées aussitôt
par les unités du 2e bataillon, que les compagnies Joret et
Minart tenaient sur place, plus ou moins encerclées et que la
section franche, commandée par l’adjudant Frère,
avec notre ami Delisle comme serre-file, intervenaient pour
libérer frise et ses occupants, sans pouvoir
récupérer le saillant ; non seulement nous avions perdu
ce point qui dominait la plaine, mais aussi, il faut le dire : 23
officiers sur 42 et 831 hommes sur 1770 ; notre chef, le Colonel
Roller, qui avait remplacé le Colonel Capitant, blessé en
mai 15 en Artois, appelé à d’autres fonctions,
quittait le régiment et, comme ce dernier, était vivement
regretté. Le Colonel de Gouvello prenait alors le commandement
du 28e."
A lire :
Internet
Un extrait commenté du JMO du 28e RI :
la prise du saillant de Deimling (On y trouvera deux cartes du secteur)
Le site Internet du Chemin des Dames
L'historique du 28e RI, partie concernant le Chemin des Dames (fichier PDF)
Ouvrage
Les fantassins du Chemin des Dames,
R.-G. Nobécourt, éditions Bertout. Lire les pages 274
à 276. L’auteur, âgé à peine de 20
ans, fut blessé dans la tranchée de Bernes ce 31 juillet
1917. Il était aspirant à la 10e compagnie, compagnie
voisine de celle de François Roquet.
Remerciement
À la famille Capitant pour la mise à disposition des bulletins de l'amicale du 28e RI.