Bandeau de la page consacrée à Antoine Condo, soldat de la 2e compagnie du 28e
Le Poteau d’Ailles et ses tunnels
Le 29 juin 1917, le 28e RI est de nouveau en premières lignes sur le Chemin des Dames, au Poteau d’Ailles à l’est de Cerny-en-Laonnois. Profitant d’un observatoire stratégique dominant une partie de la vallée de l’Ailette, les Français sont installés, pour une fois, sur les hauteurs et les Allemands retranchés sur la pente Nord de la crête.
Antoine Conso, un « ancien » de la Marine, fait partie de la 2e compagnie, qui ce 29 juin, occupe les tranchées face aux Allemands : la tranchée Battenberg, la tranchée des guetteurs, les boyaux Toc, de la baie, du Nil. La matinée est calme mais l’après-midi, l’artillerie allemande se réveille et on observe des mouvements de soldats allemands. En fin de soirée, tout s’accélère : à 21 heures, après un intense bombardement, les Allemands lancent une attaque à la gauche de la 2e compagnie sur la tranchée Xanthia. C’est le 2e bataillon qui subit la première offensive. Les combats ont lieu toute la nuit, mais les assaillants sont contenus.

Carte du secteur tenu par le 28e RI le 30 juin 1917
Carte du secteur tenu par le 28e RI le 30 juin 1917 (JMO du 28e RI, SHD, Vincennes).
Fin juin 1917, la compagnie d'Antoine Conso est en première ligne au nord du chemin des dames.

Le lendemain, les Allemands se manifestent et interpellent les soldats français. Ils annoncent l’attaque ! Comme prévu, elle a lieu vers 19 heures. Les tranchées tenues par la compagnie d’Antoine Conso sont alors submergées par des vagues de stosstruppen. Ces derniers avancent le long des boyaux en bras de chemise et en chantant. Les combats sont très violents, on s’y bat à la grenade. Du côté français, on tente de colmater la progression allemande en barricadant les tranchées de sacs de terre. Plusieurs soldats de la 2e arrivent à revenir vers la route du Chemin des Dames mais beaucoup sont tués, blessés et prisonniers. Ce sera le cas d’Antoine Conso qui prendra dans les prochains jours le chemin de la captivité.

René Gustave Nobécourt, jeune aspirant dans le bataillon voisin (le 3e), décrit cette attaque dans son ouvrage « culte » Les fantassins du Chemin des Dames. Il dévoile la ruse des Allemands sur ce Poteau d’Ailles : les tunnels. « Le 30 juin, vers 17 heures, un officier allemand interpellait à une barricade quelques grenadiers du 28e R.I. : «  Si vous voulez vous rendre, il est temps… Dans deux heures, il sera trop tard… » Ainsi prévenus, nous bombardions à 19 heures les positions ennemies du saillant de Deimling. Au même moment, des stosstruppen, sans vareuse, les manches de la chemise retroussées, progressaient en chantant et en balançant leurs grenades le long des boyaux Nix, Kub et Toc. Nos mitrailleuses et nos V.B. ne les arrêtaient pas. Il en arrivait aussi par trois grands tunnels dont les galeries, ouvertes en six endroits sur le versant de la cuvette de la Bovelle, aboutissaient à une dizaine de sorties dans nos lignes. Nous étions envahis, tournés, submergés, et l’ennemi atteignait rapidement la tranchée de Franconie, réalisant ainsi d’un coup une pénétration de 400 mètres. Il tente de l’élargir vers la tranchée de la Fourragère. Notre résistance aux barricades de Franconie l’en empêchera mais il repoussera toutes nos contre-attaques sur l’élément de Franconie qu’il occupe. » (Nobécourt, 1983, p. 270).

En septembre 1917, Antoine Conso fait partie des centaines de soldats prisonniers du 28e RI, « cueillis » sur le Chemin des Dames le 30 juin et le 31 juillet 1917. Antoine est bien loin de chez lui, loin de sa Méditerranée, loin de Nice et de ses ports de pêche.

Extrait du JMO du 28e RI et de la Gazette des Ardennes
C’est dans la région de Munster qu’Antoine passa sa captivité.
La liste n°273 de La Gazette des Ardennes publiera son nom.

Lors de cette attaque allemande, la 2e compagnie comptera 6 blessés et 49 disparus (tués ou prisonniers).

La détention et le retour à Nice
L’histoire familiale raconte que lors de sa captivité dans une ferme en Allemagne, il recevra de sa famille italienne un colis alimentaire avec des pâtes : il fera alors découvrir à la fermière la cuisson et la dégustation des pasta…

Antoine Conso (1882-1943)
Antoine Conso, retraité de la Marine. Photo : collection J. Rabbia-Ré.

Rentré de captivité, il retourne à Nice, avec comme souvenir de sa captivité, un chien noir qu’il gardera pendant plusieurs années, peut-être un cadeau de la fermière allemande. Travaillant d’abord dans une usine de tabac, il devient télégraphiste puis facteur à la Poste. Retraité de la Marine (engagé à 12 ans en tant que mousse, quartier-maître après quinze ans de navigation), il partage son temps entre le courrier, son jardin de Cagnes-sur-Mer et ses activités au Prudhomme des pêcheurs en s’occupant des paperasses des pêcheurs et en étant traducteur entre le français, le niçois et l’italien…

Antoine Conso décédera en 1943 des suites d’un cancer laissant une veuve et six filles de 6 à 13 ans.

Un grand merci à Jacques et Antonio Rabbia-Ré pour ce témoignage.
Merci aussi à Olivier Gaget pour la fiche registre matricule.

Sources
- Journal des marches et des opérations du 28e RI, SHD, Vincennes.
- Fiche registre matricule d’Antoine Conso, archives départementales des Alpes-Maritimes.
- Les fantassins du Chemin des Dames, R.-G. Nobécourt, 2e édition, 1983.
- La Gazette des Ardennes, septembre 1917.

En plus
- le JMO du 28e RI en juin 1917
- le témoignage de René-Gustave Nobécourt
 
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