Page consacrée à André Bruneau du 28e RI

Lundi 21 février 1916, secteur de Maucourt (Somme)
Depuis quelques jours, les hommes de la 9e compagnie occupent les tranchées en face des villages de Fouquescourt et de Fransart (secteur de Maucourt-Méharicourt).

À 5 heures, un sifflement se fait entendre
: c’est une attaque au gaz, du chlore, la première pour le 28e RI. Surpris dans leur sommeil, les soldats n’ont pas le temps de prendre leur masque. L’artillerie ennemie entre dans la danse macabre avec des obus suffocants. Une deuxième vague de gaz arrive, une troisième, puis une quatrième.
À 8 heures, le rideau de feu se rapproche des premières lignes et s’arrête d’un coup : l’attaque de l’infanterie est imminente. Les Allemands sortent alors de leurs tranchées.
Les poilus répliquent et déciment les fantassins allemands qui tentent de franchir le no man‘s land. C’est une hécatombe. L’attaque est anéantie.
plan de Maucourt et photos de blockhaus
Plan du secteur occupé par le 28e RI en janvier-février 1916. Les Français tiennent Méharicourt, Maucourt et Rouvrois-en-Santerre ;
les Allemands sont à Chilly, Fransart et Fouquescourt.
Depuis 1915, les deux belligérants ont construit des abris pour l'observation et les mitrailleuses.


Sur le coup, les effets du chlore ne se font pas encore sentir mais peu à peu, les hommes toussent, pleurent, vomissent, tombent. Ceux qui résistent ont des maux de tête et sont hébétés.
Une soixantaine d’hommes de la 9e compagnie sont touchés et vont être évacués ; certains d’entre eux vont mourir dans des conditions atroces.

Parmi eux l’adjudant André Bruneau, un « rescapé » du 28e RI, déjà blessé à Loivre (village près de Reims) en septembre 1914, un de ceux qui a probablement connu le Bois de la Folie en Artois en septembre 1915.

Les frères Bruneau
Photo des frères Bruneau.
En haut : André (à gauche) et Jacques (à droite)
En bas : Boris (à gauche) et Marcel (à droite).

Ce cliché de la fratrie Bruneau fut pris
à Saint-Pétersbourg en Russie où le grand-père et le père étaient négociants d’articles de Paris. Les Bruneau revinrent définitivement en France
au moment de la première Révolution de 1905.


André Bruneau du 28e RI

L’adjudant Bruneau est évacué et décédera à l’ambulance d’Hangest-en-Santerre comme plusieurs de ses camarades.

Le soir du 21 février, la neige commence à tomber. Le lendemain, on évacuera encore une centaine d’hommes. Les brancardiers comptabiliseront 92 corps de soldats du 28e RI dans les tranchées de Maucourt. Ils seront enterrés à Méharicourt. André, sera probablement enterré à Hangest puis réinhumé à Mairy-sur-Marne dans la Marne.

Les frères Bruneau
Éric Bruneau a conservé la croix de guerre de son grand-oncle accompagnée de son portrait.
La croix de guerre était décernée aux soldats pour consacrer leurs citations.

Voici le texte de sa citation (Ordre n°174 du 3e Corps d'armée du 10 octobre 1916) :

"L'adjudant Bruneau, André, du 28e R.I.
Sous-officier d'une bravoure exemplaire. Blessé une première fois en Septembre 1914. A été mortellement atteint en repoussant une attaque ennemie le 21 Février 1916."


Une dramatique journée pour le 28e RI
L’attaque du 21 février 1916 va causer le décès de 97 hommes (tués par obus et intoxiqués), 27 blessés, 13 disparus et 346 hommes évacués pour intoxication. Parmi ces derniers, au moins 88 vont décéder dans les jours suivants : 5 à Moreuil, 3 à Amiens, 8 à Pierrepont, 7 à Montdidier et 61 à Hangest-en-Santerre.

Le Journal des marches et des opérations (JMO) du groupe de brancardiers de la 6e division indiquera : « Bientôt les intoxiqués affluent aux postes de secours de Rouvroy et de Méharicourt, d’où ils sont transportés à Hangest, à Pierrepont et à Montdidier : 186 du 24ed’Inf. et 220 du 28e sont ainsi transportés aux ambulances. Beaucoup y meurent presque aussitôt arrivés.»

À la compagnie d'André Bruneau, 68 hommes seront mis hors de combat. Au moins six vont décéder à Hangest.

André Bruneau du 28e RI Les frères Bruneau
Les frères Bruneau en Russie.

André (en photo), tué en 1916,
Marcel et Boris porteront alors le deuil :
un brassard noir sur leur uniforme.

Page consacrée à Marcel Bruneau du 28e RI
Le frère aîné d'André, Marcel, fut aussi un fantassin du 28e RI. Incorporé au 69e RI en octobre 1909, il passa quelques mois plus tard au 28e RI où il fut rejoint par son frère André. Marcel sera rendu à la vie civile le 24 septembre 1911 le jour où André sera nommé caporal.
Les deux frères seront rappelés le 3 août 1914 : André, adjudant, Marcel, simple soldat de 2e classe.
Marcel Bruneau
André sera blessé à Loivre le 14 septembre 1914, Marcel sera capturé le 3 (ou le 4 ?) novembre 1914 à Sapigneul(Cormicy, Marne) lors de l'attaque du hameau par le 78e Régiment d'infanterie allemande. Fait prisonnier, Marcel sera interné en avril 1915 à Gardelegen (Saxe-Anhalt). Il sera rapatrié en novembre 1919. Il portera le brassard noir à la mémoire de son frère gazé dans la Somme.


Toutes ces photos proviennent de la collection de la famille Bruneau.

Remerciements à :
- Éric Bruneau, à Lucile, sa fille et à Guilhem, son neveu. Cette page leur est dédiée en souvenir de la journée du 22 mars 2009, passée ensemble à Maucourt.
- Sylvestre Bresson, guide professionnel des champs de bataille de la Somme et d'Artois.
- Stéphan Agosto et Louis Schéromm.

Képi d'André Bruneau À consulter :
Le JMO du 28e RI : février 1916
Le JMO de la 11e Brigade : février 1916
Le JMO des brancardiers de la 6e DI, 26N275/7
La liste des pertes du 21 février 1916 pour le 28e RI
La nécropole nationale de Maucourt
La nécropole nationale de Montdidier
   

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