Début mai
1915, la
11e
brigade, composée des 24e et 28e RI et commandée
par le
général
Boulangé, a quitté Berry-au-Bac (Aisne)
pour
être mise à la disposition de la 43e Division
d’infanterie commandée par le
général
Lombard à Noulette. Les Normands et les Parisiens du 28e RI sont au front depuis le 15 mai 1915 et du 15 au 17, les pertes ont déjà été importantes, notamment au sein du 3e bataillon (11e et 12e compagnies). Après le 17 mai, les soldats du 28e RI ont alterné des périodes de cantonnement avec des moments en premières lignes, cotoyant les chasseurs des 1er, 3e et 10e BCP et les biffins des 149e et 158e RI. |
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Carte tirée de
l'ouvrage Lorette une
bataille de douze mois écrit par Henri
René,
pseudonyme du Commandant Laure du 3e bataillon du 149e RI (merci à Michel Acket). |
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Le
25, le 28e
était en seconde ligne derrière le 24e
Régiment
d’infanterie qui devait mener l'attaque du Bois
carré (appelé
B9), bois
longeant la route d’Arras. L'attaque du 24e RI fut un
véritable échec et les trois bataillons composant
le 28e
RI piétinèrent dans les boyaux toute la
journée. Le soir, ils retrouvèrent le lieu de départ de la matinée : le 1er bataillon stationna dans le fossé aux loups, le 2e dans la tranchée de Loos et place d’armes, le 3e dans les carrières d’Aix-Noulette. Ce 25 mai 1915 fut la journée "noire" du 24e RI avec plus de 800 hommes mis hors de combat. Le lendemain, on remettra l'offensive avec le 28e RI. |
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À
3h10
du matin, le régiment est avisé que
l’attaque
sera reprise dans la journée. Les trois bataillons
attaqueront
le Bois carré afin d’investir les autres bois et
ainsi
prendre Souchez par le nord. Ils ont
emporté avec
eux un nombreux matériel d’attaque, notamment des
échelles de franchissement. Des sections de mitrailleuses
Saint-Étienne accompagnent les fantassins des 1er et 2e
bataillons. Le 1er bataillon (celui d’Adolphe) attendra au sud de la route de Béthune à Arras ; le 2e, au nord de la route ; le 3e se tiendra prêt en réserve du second. Le bataillon d’Adolphe est dirigé par le commandant Raymond Testard, quatre compagnies le composent. Adolphe est dans la 3e compagnie, 1re section. |
Proposition
d'une carte schématique montrant la disposition des
bataillons
et des compagnies du 28e RI. Attention, il s'agit d'une hypothèse. Il manque en effet de nombreuses informations concernant la localisation précise des compagnies et la localisation des tranchées allemandes et françaises. Cette carte est donc appelée à évoluer... Adolphe Orange se trouve au sud de la route d'Arras à Béthune, avec la 3e compagnie commandée par le lieutenant Auguste Depré. Une vue aérienne du secteur de 26 mai 1915. Cette vue a probablement été prise avant mai 1915 : le bois 10, la tranchée Parados et la totalité de la tranchée des saules appartenaient aux régiments allemands. Document : Yann Thomas. |
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2574
soldats. 47
officiers. La compagnie d'Adolphe occupe la tranchée Parados, la tranchée qui relie la tranchée des saules à la tranchée du Bois 10. En rouge : la tranchée du Parados, occupée par la compagnie d'Adolphe. Les Allemands sont installés devant le Bois carré et occupent une partie de la tranchée des saules. A 12h50, on signale des mitrailleuses allemandes, protégées sous des abris bétonnés à la hauteur du boyau d’Angres, sur la partie gauche de la tranchée des saules. À 14 h, des corons de Liévin, l’artillerie allemande - probablement des canons de 77, de 105, de 150 - assomme d’obus la tranchée Parados (près de la route et du bois 10) occupée par la compagnie d’Adolphe. Selon le commandant du bataillon, la compagnie subit de fortes pertes. À 14h15, de l’autre côté de la route d’Arras, le 2e bataillon subit le bombardement non pas allemand mais malheureusement français. En voulant détruire les nids de mitrailleuses, les tirs trop courts ont occasionné de lourdes pertes à la 8e compagnie. L'attaque de la partie allemande de la tranchée des saules débute à 14h20 par les 5e et 6e compagnies. Le 3e bataillon monte en ligne pour aider le 2e bataillon. Un
document des archives du 28e RI : la note sur l'heure H
(annexe au JMO du régiment, SHD, Vincennes). Au sud de la route d'Arras à Béthune : le 1er bataillon 14h27, la 2e compagnie du capitaine Albert Jérôme du 1er bataillon sort des tranchées, se lance à l’assaut du Bois carré et y pénètre : les pertes y sont très nombreuses. Les sous-lieutenants Charles Ponderbacq et Albert Bony sont portés disparus. Ils seront faits prisonniers. L'adjudant Albert Leblond est blessé. Le sous-lieutenant Charles Bona est tué. Parmi les tués : Pierre Turbot, tué le jour de son anniversaire et René Lemoine, le plus jeune, 18 ans. 14h32, la compagnie d’Adolphe (3e compagnie Depré) doit suivre la compagnie Jérôme et tente de déboucher de sa tranchée mais subit un violent feu d’enfilades. Son mouvement échoue, revient à son lieu de départ, repart une deuxième fois, hélas sans succès. Adolphe Orange en se tenant prêt à l’attaque, reçoit un éclat d’obus. Près de lui, son sergent est mortellement blessé (il s’agit probablement de Charles Trédhan). Adolphe se rend au poste de secours, il semble selon son camarade Louis Tréhet avoir une blessure légère. Sa compagnie est décimée. Ses cadres sont tous blessés : le lieutenant Depré, les sous-lieutenants Taffary, Dubost et Fontaine. Ferdinand Brossard est l'un des hommes de la 3e compagnie tués ce 26 mai 1915. Extrait de Guerre 1914-1918, Tableau d'honneur. Morts pour la France, Publications La Fare, Paris, 1921, 1088 p. Disponible sur Gallica. Au nord de la route d'Arras à Béthune : les 2e et 3e bataillons Pendant ce temps, la triple tranchée des saules est le lieu de combats terribles. - La 7e et la 8e compagnies subissent de lourdes pertes, décimées par les mitrailleuses Maxim non détruites par l’artillerie française. Les poilus ne peuvent attaquer ce bois. - La 5e et la 6e compagnies vont également se battre dans la partie allemande de la tranchée des saules pendant plus de deux heures pour revenir ensuite à leur tranchée de départ. Albert Thierry, homme de lettres et professeur à l’école normale d’instituteurs de Versailles, de la 5e compagnie y trouve la mort en recevant un éclat d'obus. Le sous-lieutenant Jean Léon de cette même compagnie y est mortellement blessé… 21 ans. Une
carte postale de la
tranchée des saules après la guerre.
Cette tranchée sera un véritable charnier pour de nombreux soldats de plusieurs régiments : 158e, 149e, 174e RI, 3e et 10e BCP... Les boyaux, les tranchées sont bouleversés, le 3e bataillon arrive à peine à soutenir le 2e bataillon et peine à avancer. La 9e compagnie tente une attaque sans succès sous un violent bombardement d’obus. À 17 h, l’attaque est reprise. Le lieutenant Paul Deschamps, de la 12e compagnie (3e bataillon), lance sa troupe, il se lève du parapet de la tranchée et reçoit une balle en plein front. La 9e compagnie tentera un ultime assaut et renoncera par la perte de ses officiers et de dizaines de soldats. À quelques centaines de mètres de la première ligne, Adolphe Orange meurt au poste de secours vers 17 h d’une hémorragie interne. Probablement transporté et enterré dans une fosse commune à Aix-Noulette. Son corps repose probablement dans l'un des ossuaires de la nécropole de Notre-Dame-de-Lorette. Extrait du JMO du 28e RI : liste des pertes enregistrées les 25 et 26 mai 1915. 25 soldats de la 3e compagnie seont notés comme tués ce 26 mai. Parmi eux, Adolphe. À 20 h, le régiment reçoit l’ordre d’assurer la garde du secteur. À 21h, les survivants de la compagnie Jérôme évacuent le bois carré, les contre-attaques étant trop violentes. Les soldats reviennent au sud de la route dans leur tranchéer de départ. |