Bandeau de la page consacrée aux souvenirs d'Henry Duchés

En 1967, Henry Duché – probablement un des gradés le plus décoré du 28e RI – envoie à l'Amicale des anciens du régiment ses souvenirs.
Il livre un récit écrit sans concession et relate les combats avec une certaine franchise qui est bien éloignée de l'histoire officielle décrite
dans le  JMO ou dans l'historique.
Attention, témoignage inédit et percutant.

Bandeau de la page consacrée aux souvenirs d'Henry Duché
Bandeau de la page consacrée aux souvenirs d'Henry Duché

1. Le dépôt
d'Évreux.



2. Il rejoint la 5e compagnie. L'officier de réserve
est peut-être
le lieutenant Noblesse, instituteur dans le civil ou bien le sous-lieutenant
de la Potterrie
Est-il arrivé le 18 octobre ?







3. La 10e compagnie.



4. On pourra lire les récits d'Henry Bordeaux sur cette nuit de Noël au 2e bataillon.

    Incorporé à un dépôt de l’intérieur 1, j’y trouve le laissez aller, la pagaye, la recherche du filon. Le sous-lieutenant qui commandait la compagnie, est de ceux qui ont fait 10 mois de service d’active, dans le fameux peloton des dispensés, pour gagner ses galons d’officier.

Pour fuir cette anarchie, je suis parti volontaire en renfort dans un régiment réduit à l’état de squelette à l’issue de la bataille de la Marne. Ma nouvelle compagnie du front était commandée par un sous-lieutenant 2 de réserve (toujours d’origine des dispensés) mais en fait par un adjudant de carrière.
En secteur de Champagne (Ouest de Reims) aussitôt au front, je connus les nuits presque complètes de veille, dans la terre boueuse et glacée, sans abris, à moins que l’on compte comme tels la partie de tranchées couverte par des volets ou des portes enlevés aux maisons désertées. Dans la nuit fusillades fréquentes, on croit toujours que l’ennemi va nous surprendre. Ce ne sont que des tiges de betteraves que le vent agite. Les patrouilles imposées trouvent toujours des volontaires. Pourquoi ? C’est cruel à dire, c’est pour détrousser les cadavres gisant entre les lignes après la fixation du front. Le ravitaillement ? C’est le rata froid, glacé, composé de bœuf bouilli en saucisses accompagné de riz, de pommes de terre ou de carottes, écoeurant de graisse. Les vêtements ? toutes sortes s’oripeaux pour combattre la morsure du froid.
Mais pourquoi insister. Tant de livres ont décrit la vie de tranchées qu’il me paraît inutile de renchérir sur ce sujet.

Le Régiment se renforce peu à peu. Je change de compagnie 3.
La nuit de Noël, calme complet sur le front de Berry-au-Bac. L’artillerie elle-même se tait. Les Allemands, devant nous, entonnent des chants nostalgiques de Noël. Nous, moins romantiques, nous leur répondons par des chants patriotiques 4.

Le 30 décembre, apparaissent les premières torpilles, les minenwerfer. Des tués dans nos rangs. L’un d’eux est coupé en deux. On en enterre une partie, l’autre sera retrouvée peu après. Le malheureux aura deux tombes.

La sépulture de Georges Boisard
Georges Boisard de la 10e compagnie fut l'une des quatre victimes du tir du nouveau minenwerfer allemand
avec Jean Masson, Maurice Lebrun et Raphaël Brulard.
Le sergent Boisard est enterré dans la nécropole nationale de Berry-au-Bac.


Extrait des numéros 52 et 53 (1967)
     

Bandeau de la page consacrée aux souvenirs d'Henry Duché
Bandeau du 6 avril 1915





1. Qui est cet officier ?
Est-ce un officier de la 10e compagnie ?

2. Pierre Maurice,
19 ans.

3.  Georges Lascroux, capitaine de la 10e compagnie.

Inutile désormais de parler de la vie de tranchée que nous connaîtrons bien souvent. Sans doute, peu à peu, elle offrira quelque adoucissement matériel, mais elle n’en demeure pas moins déprimante, surtout au début, quand les positions de repos restent sous le feu de l’ennemi.

Le 6 Avril, nous devons, à notre tour, alimenter le communiqué.

Neuf groupes d’assaut sont formés pour faire un coup de main sur la Cimenterie de Berry-au-Bac. Le Lieutenant d’active
1 commande une réserve qui n’interviendra pas. Le Capitaine reste à son PC et attend le résultat. C’est un échec complet et une perte sévère dont un Officier 2 et plusieurs sous officiers tués. Finalement chacun reste sur ses positions, mais officiellement tout a marché pour le mieux. Le Capitaine qui « a su électriser ses hommes et les entraîner à l’assaut avec un élan et un ensemble admirables… » a été cité à l’ordre de l’Armée 3.

L'attaque de la cimenterie du 6 avril 1915
La cimenterie de Berry-au-Bac se trouvait entre le canal latéral à l'Aisne et la cote 108.
Une partie des bâtiments était occupée par les Allemands.
Pierre Maurice, 19 ans, était arrivé au front le 10 janvier 1915, il fut tué lors de cette attaque.
Georges Lascroux quitta le régiment en octobre 1915.


Extrait du numéro 53 (1967).
On pourra lire en complément le Journal des marches et des opérations (JMO) du 28e RI pour avril 1915.

Bandeau de mai 1915
Début mai, 1915, Henry Duché est noté sous-lieutenant. Il sert toujours à la 10e compagnie.












1. Le 3 mai, la 12e compagnie est commandée par le lieutenant  Émile Desmarre. Il sera tué le 15 mai 1915. Les deux sous-lieutenants furent également blessés : Henry Chéron, blessé et Émile Aubriot, tué.
Le 16 mai, le sous-lieutenant Paul Déchamps (3e compagnie) prend le commandement de la 12e compagnie.

En Mai Juin, c’est le charnier de l’Artois.

Le Bataillon devait attaquer (15-16 Mai) la position de la tranchée des Saules. D’abord les 11è et 12è Cie mais elles furent anéanties avant l’heure fixée par le tir de l’artillerie adverse. Les 9è et 10è Cies, déjà décimées, prennent position, dans des conditions lamentables dans des éléments de tranchées bouleversés, remplis de cadavres, sans connaître le secteur, ni la position exacte de l’ennemi, ni les conditions de liaison avec les unités voisines. Ordres et contre ordres se succèdent. C’est l’énervement général.

Finalement, le sacrifice total n’aura pas lieu. N’offrant plus en définitive de valeur combattive, le Bataillon est relevé. A l’arrière, on l’approvisionne en grenades en vue d’une remontée prochaine dans la fournaise. Plusieurs éclatent au moindre choc, causant des pertes parmi les porteurs.

La Compagnie se retrouve en ligne, le bombardement ennemi continue furieux. Nos pertes s’aggravent. Il fallait encore attaquer. Plusieurs Compagnies proches de nous, partent à l’assaut, elles sont anéanties. Nous voyons des tirailleurs algériens sacrifiés, à leur tour, sans soutien d’artillerie. Tout est décousu. Il faut coûte que coûte, à force d’hommes, obtenir un résultat. Le Commandement lance sans cesse des ordres d’attaque augmentant, sans résultat, l’affreux carnage. Les cadavres sont rejetés sur le parapet. Une affreuse odeur de charnier empeste l’atmosphère. La Compagnie attend toujours l’ordre d’attaque. Il ne vient pas. L’a-t-on oubliée dans la confusion qui règne ? La 12è Cie fut la dernière sacrifiée. Elle avait perdu, depuis le 17 Mai, son Commandant de Cie tué. Le nouveau, un sous-lieutenant (1), reçoit l’ordre redouté, 10 jours après le 27 [17] Mai. Mais mon commandant, dit-il, c’est aller à la mort. C’est possible, lui répond-on, c’est l’ordre.
Il sort alors de la tranchée avec quelques hommes. Tous sont fauchés par le tir d’une mitrailleuse. Ce sacrifice clôt la liste funèbre. Le Bataillon est relevé.

Paul Déchamps dans l'historique du 28e RI

La triste conversation rapportée par notre Henry est certainement un complément
à celle décrite par l'historique du 28e Régiment d'infanterie.
L'officier dont parle Duché est certainement le sous-lieutenant Paul Déchamps.
Ce dernier est enterré dans le cimetière britannique d'Aix-Noulette.


Dans les combats de Mai, les deux Régiments de la Brigade avaient perdu sans gloire, sans profit 52 Officiers et 3000 hommes.

Dans les seules journées des 26 et 27 Mai, le Régiment comptait, à lui seul, 21 Officiers et un millier d’hommes hors de combat. Et ce n’était pas par héroïsme.

Extrait des numéros 53 et 54 (1967).
L'offensive du bois de la Folie, septembre 1915







































1. Il s'agit
d'Achille Hislaire,
"un ancien"
du 28e RI.




2. Le 28e, le 24e
et certainement
le 36e RI.






3. La division
Mangin : 5e DI.


4. Il s'agit probablement du commandant Weynand du 24e RI (JMO de la 11e brigade).












































Au début de Juillet, après une inspection de Joffre et de Foch, le Régiment montait en ligne dans le secteur de Neuville-Saint-Vaast.
Le boyau d’accès de la position que nous allions occuper avait été creusé dans le vieux cimetière. Les cercueils et les squelettes avaient été brisés par la pioche. Des cadavres des récents combats d’un régiment que je connaissais bien (Régiment de ma résidence) gisaient encore sur le terrain.

Le 14 Juillet, un orage épouvantable transforme le secteur en marécage. Dans les bas fonds, nous avions de l’eau jusqu’à la ceinture. Cela n’arrangeait rien. Nous prenions connaissances avec les célèbres boues de l’Artois. Par dessus le marché, des essaims de mouches bleuâtres, après s’être jetées sur les cadavres, en voulaient à nos aliments.

Le bois de la Folie, septembre 1915

Le 25 Septembre, sonne l’heure de la grande offensive d’Artois. Les hommes sont casqués pour la première fois et les assaillants, pour leur donner du cœur au ventre, sont abreuvés d’une eau de vie immonde. Le bataillon doit partir à l’assaut vers le carrefour des 5 Chemins. Dès le début de l’action le Chef de Bataillon est tué (1). Les 11è et 12è Compagnies ne parviennent pas à déboucher. Après de longs moments d’angoisse, les 9è et 10è Cie peuvent traverser un tir de barrage inouï, mais la 10è Cie est déjà diminuée d’une section entière écrasée par le bombardement dans l’une de ces vastes et profondes places d’armes qui se sont avérées plus néfastes qu’utiles. La progression se fait par bonds, d’un trou d’obus à l’autre. Entre chaque bond des pertes. Bientôt, c’est le mélange des troupes d’assaut. Des hommes de trois Régiments différents (2) parviennent à se grouper, une fois le gros du barrage franchi, sous le commandement d’un Chef de Bataillon rescapé. On réussit à dépasser le chemin creux de Thelus et la tranchée des Déserteurs. On avance vers la tranchée des Tirailleurs. Notre artillerie donne à fond ; celle de l’ennemi faiblit. Les Allemands cherchent à replier leurs pièces avancées. Le Commandant réunit les quelques Officiers présents en plein bled et, la carte à la main, il s’oriente. Nous sommes sortis de l’enfer, peu nombreux, il est vrai, mais victorieux. L’ennemi ne réagit plus. Que faire ? Renseigner le commandement, assurer les liaisons latérales, reconnaître le terrain en avant, c’est ce qu’il y a de plus urgent. Les coureurs, envoyés à l’arrière, ne reviennent pas ; les boyaux sont encombrés, les postes de commandement trop éloignés. Nous sommes à peu près en liaison à droite avec des éléments d’une division voisine (3), mais, à gauche, c’est le trou du fait du blocage des assaillants devant l’ouvrage des 5 Chemins. Une patrouille, envoyée en avant, reprend contact avec l’ennemi à la tranchée Nietsche en cours d’évacuation. Elle y tue un officier et ramène des prisonniers. Par prudence, le Commandant décide le repliement sur la tranchée des Déserteurs où le Commandement se réorganise (4). Aucune nouvelle de l’arrière, ni de la gauche du dispositif d’attaque. C’est bien dommage, car il nous semblait bien que l’on pouvait, ce jour là, enlever la crête convoitée du Bois de la Folie.

Des blessés allemandes. Carrefour des 5 chemins. Photo de la collection Jean Duché.
Henry Duché a gardé cette photo de blessés allemands.

Le temps passe, l’ennemi, constatant notre inertie, regarnit les tranchées qu’il venait d’évacuer. La nuit se passe lugubre. Il pleut, c’est le bourbier dans les tranchées et les boyaux. Néanmoins, l’ouvrage des 5 Chemins peut être réduit. Toutefois, ce n’est que le 28 que l’on peut  monter une nouvelle attaque, mais il est trop tard ; si la tranchée Nietsche et la tranchée des Déserteurs sont bien conquises, on ne peut atteindre l’objectif final, la crête de la Folie.

L’on s’en tint là, heureusement, le Commandement ne voulant pas, s’emble-t-il, retomber dans les erreurs de mai-juin et augmenter inutilement des pertes déjà sensibles.

 




















5. Le 12 décembre 1915,
le 28e RI quitte Proyart
pour Villers-Bretonneux.

 En Décembre, j’arrive à temps pour revoir une dernière fois, ma petite fille enlevée brutalement à ses parents. M’arrachant à ma douleur, je rejoins la Compagnie à Frise (Somme).

Citation d'Henry Duché, octobre 1915
En octobre 1915, Henry Duché passe lieutenant et va commander la 12e compagnie.
Il sera cité à l'ordre de l'armée pour sa participation à l'offensive du bois de la Folie.
Extrait du JMO du 28e RI (SHD, Vincennes).


… Je rejoins la Cie à Frise où j’apprends que le secteur est miné et sur le point de sauter. Et il le fit, en
effet, peu après, mais nous venions d’être relevés. Après une marche de 21 km. vers l’arrière
(5), il nous fallut, hâves, exténués, attendre une prise d’armes pour la remise de décorations à un Médecin et à un Officier d’Administration.

Extrait des numéros 54 et 55 (1967 et 1968).






L'année 1916 des souvenirs d'Henry Duché

Maucourt par Henry Duché




Il s'agit de la triste
attaque aux gaz lancée
par les Allemands.

Voici ici
le lien sur ce site.

La 12e compagnie
sera la compagnie la moins touchée ce 21 février.

D’abord, vie de secteur dans la Somme, sans histoire.

Le 21 Février, jour de l’attaque sur Verdun, la Cie est en ligne. L’ennemi met des gaz sur nos lignes, intoxique bien de nos hommes, certains à mort, mais l’ennemi est repoussé. Les gaz agissent lentement, l’état sanitaire est tel qu’il faut relever des lignes les unités intoxiquées, aussitôt le calme revenu. Les pertes des unités engagées du régiment sont de 10 officiers et de 500 hommes hors de combat. L’alerte a été chaude. Pour la première fois les mitrailleuses du régiment ont effectué devant nos lignes, un barrage en tir indirect.

Masque à gaz

Et c’est, après quelque temps, après des travaux dans l’Oise, le séjour à Verdun, l’infernal secteur. Je me demande encore aujourd’hui, comment j’ai pu en sortir vivant.

Citation d'Henry Duché, février 1916
Extrait de la citation d'Henry Duché pour son action en février 1916.
Citation à l'ordre de la division n°118, mars 1916.


Extrait du numéro 55 (1968).


   
Verdun (avril 1916) par Henry Duché


Inutile de rappeler ce qu’a été Verdun. Tout a été dit, tant du côté allemand que du côté français, par nombre d’ouvrages, sur le sacrifice, je ne dis pas héroïquement consenti, mais passivement subi par tous les combattants.

Le 20 Avril, la Compagnie occupe le retranchement R2 de la défense avancée du fort de Vaux. Le bombardement, par de grosses pièces de Marine est tel que l’une de nos escouades disparaît sans que l’on puisse retrouver les débris d’un seul homme. A aucun le furieux bombardement ne cesse. Des hommes, fous de terreur, veulent fuir. Il faut les maintenir sur place, à l’emplacement où il faut mourir. On réussit à s’opposer à toute panique, malgré, peu à peu, la disparition des Chefs de section tous hors de combat. En fin de soirée, l’ennemi attaque. Des hommes ont encore la possibilité et le courage de lancer des fusées. Nos 75 brisent l’assaut. N’est-ce pas d’ailleurs notre Artillerie qui a sauvé Verdun ? Il plait à un fantassin de le proclamer.

R2, avril 1916
Localisation du retranchement R2.

La Compagnie a perdu les 2/3 de son effectif, la compagnie voisine à R1 est dans le même piteux état.
Les débris de ces unités, rassemblés dans l’infect tunnel de Tavannes, sont mis à la disposition du Général commandant la division qui déclare : « Vous êtes mes seules réserves, j’espère ne pas avoir à vous employer. »

Notre sacrifice devait se renouveler un mois et demi après, au moment de l’attaque du fort de Vaux.

Extrait du numéro 55 (1968).


   
Bandeau sur les souvenirs d'Henry Duché : juin 1916











1. Il s'agit certainement
du colonel Pineau.












2. Il s'agit des trois bataillons du 24e RI commandés
par le lieutenant-colonel Giansilj.


























































3. Ernest Guillebot.
Fait prisonnier sur le Chemin des Dames en juillet 1917.

4. Joseph Beaujean,
lieutenant.

Notre sacrifice devait se renouveler un mois et demi après, au moment de l’attaque du fort de Vaux. Épopée lamentable pour la Compagnie qui monte isolée en ligne, sans guide, nantie d’une mission bien vague : assurer la liaison entre deux divisions, mais à quel emplacement ? C’était à voir sur place.

Et c’est la marche en avant sous le feu de l’artillerie, les premières pertes, les démarches auprès des divers postes de commandement pour trouver la position à occuper, la traversée de la digue de l’étang de Vaux, toujours avec la troupe, puis retour au ravin des Abris pour finalement être placés à cheval sur le ravin des Fontaines (autre ravin de la Mort) en seconde position, une Section à R4 à l’Ouest du ravin, les trois autres au bois Fumin, en attendant de pouvoir renforcer R4, dans un état lamentable.
La nuit même de notre installation, le Général de Brigade vint lui-même (1), malgré le danger certain qu’il courait, vérifier nos positions qu’il complète par l’envoi d’une section de mitrailleuses à mettre en batterie au fond même du ravin. Cette section allait être peu après entièrement détruite.

Et c’est l’attaque du 1er Juin. On en a trop parlé pour que j’ajoute quoi que ce soit au déroulement de l’Offensive. On enseigne dans les écoles que la position de Vaux a été défendue (du fond d’une casemate) par l’héroïque Ct Raynal. Que dire alors des milliers de tués des 28è, 52è, 53è, 101è, 124è, 142è, 238è, 298è, 321è qui se ne trouvaient nullement sous les ordres de ce Chef, mais qui, tout de même, sont pour quelque chose dans la défense de la position du fort de Vaux ?

Quoi qu’il en soit, je ne veux pas m’éloigner du cadre de mon récit. Dès le 1er Juin, la ruée ennemie a enlevé le saillant d’Hardaumont au nord de Vaux. En un clin d’œil, tout un régiment, Colonel en tête (2), a fondu dans la tourmente. A gauche de Vaux, l’ennemi a tourné R4, anéantissant une section de ma Compagnie puis R3 et R2, seul R1 a pu résister. Le réduit du projecteur n’a pas tardé à céder à son tour. La Compagnie finalement, s’est trouvée en première ligne au bois Fumin en liaison à droite avec le Fort  par un Bataillon d’une autre Division.
Carte du secteur de Verdun, juin 1916
Plan de l'attaque allemande du 1er juin 1916.
Les 3 bataillons du 24e RI et une grosse partie du 3e bataillon du 28e RI furent capturés.
Henry Duché fut l'un des rares officiers (le seul ?) de ce bataillon qui échappa à cette attaque.

A sa gauche, au-delà du ravin des Fontaines, intenable, c’était le trou.

Des coureurs, humbles soldats, dont le courage et l’initiative n’ont pas été surfaits, ont prévenu le Colonel, puis le Général de la situation critique. Le Colonel dépêche le 1er Bataillon, en réserve vers Souville, pour rétablir la situation. Les Ière et 2è Compagnies parviennent à la hauteur du bois Fumin, mais ne peuvent réoccuper R4. Elles s’accrochent au terrain au prix de terribles pertes – à la 1ère Compagnie, il est resté finalement le Capitaine (3) et 8 hommes, à la 2è, les pertes en tués, dont le Ct de Compagnie (4) sont lourdes. Toutefois elles peuvent rétablir la liaison, au delà du ravin des Fontaines avec la Compagnie, la 12è, du bois Fumin.

Le Général, pour sa part, ne veut pas croire qu’un de ses régiments a pu s’évanouir dans la bataille, sans avoir pu lui envoyer le moindre émissaire. Nous lui envoyons à nouveau des coureurs pour lui confirmer le désastre, avec un croquis à l’appui. On s’organise avec les effectifs restants. A vrai dire, l’ennemi ne poursuit pas son action offensive de ce côté ; la tranchée – si on peut appeler cela une tranchée – du bois Fumin, nouvelle première ligne, reste inviolée mais les furieux pilonnage du terrain diminue sans cesse les maigres effectifs. La Compagnie n’a été relevée que le 5 au matin.

Le 7 au matin, le fort succombait, mais des éléments de sa défense extérieur tenaient encore,
notamment R1.

La relève s’est effectuée dans des conditions dramatiques. Trois hommes ont été tués. Arrivés à Verdun, après un harassant parcours, les survivants s’affalèrent pour dormir, dormir…

La 12è Compagnie ne comptait plus qu’une quinzaine de valides ; ses quatre chefs de section avaient été tués, presque tous les cadres avaient été mis hors de combat. Elle avait dû laisser sur la position des blessés qui n’avaient pu être secourus à temps par des brancardiers, courageux certes, mais harassés, débordés. (Certains de ces blessés devaient mourir de la gangrène).

L'encadrement du 3e bataillon du 28e RI en mai 1916
Extrait du JMO du régiment en mai 1916 : l'encadrement du 3e bataillon en mai 1916.
À la 12e compagnie, Paul Simon, Marcel Koch et Paul Lavictoire furent tués lors de cette attaque...
Légende : D : disparu (tué ou prisonnier) ; P : prisonnier ; T : tué.


Tel fut notre second séjour à Verdun.

Le chef de bataillon Gonthier du 28e RI
Extrait de la célèbre Gazette des Ardennes.
Le lieutenant-colonel du 24e RI (Ange Giansilj) fut certainement
un compagnon de prison du chef de bataillon Gonthier du 28e RI...


Extrait des numéros 55, 56 et 57 (1968).


   
Les souvenirs d'Henry Duché : décembre 1916


Le Régiment allait revoir Verdun une fois encore…
Cette fois ci c’était après l’offensive victorieuse de Décembre.

Nous allions passer les fêtes de fin d’année sur le plateau d’Hardaûmont reconquis. L’ennemi ne réagissait que très faiblement. C’est la température qui eut raison de nos forces.

Le sol, dur comme roc par la gelée, rendait impossible l’aménagement de la position. Heureusement il s’y trouvait quelques éléments de tranchée. Le stationnement, par un froid des plus rigoureux, causait des souffrances physiques intolérables. Le nombre des pieds gelés en était la preuve la plus caractéristique. On en était arrivé à rechercher certains abris ennemis dans des ravineaux en avant de nos lignes pour s’abriter la nuit, quitte, à la pointe du jour, à reprendre, à l’arrière, la position de surveillance assignée. Je me suis trouvé ainsi dans une « cagna » en partie effondrée avec, comme compagnons, deux cadavres gelés d’Allemands.

Extrait du numéro 57 (1968).


 


 
L'année 1916 des souvenirs d'Henry Duché

Les souvenirs d'Henry Duché : début 1917


De la mi Janvier à fin Mai, le Régiment fut retiré des lignes (camp de Gondrecourt-travaux pour la 2è position de Lorraine-forêt de Parroy) position de réserve dans l’Aisne pour l’attaque du 16 Avril (on nous avait affirmé que nous coucherions à Laon le soir de ce jour là), puis, dans une grande confusion, après l’échec, retraite des Régiments massés pour la poursuite d’une offensive que l’on croyait victorieuse.

Jamais nous n’avions été éloignés tant de temps des tranchées.
Finalement nous nous trouvâmes en repos à Jouarre dans la grande banlieue parisienne. (permission, visites des familles).
Fernand Lecrocq
Cliché de deux gamins de la classe 1917.
À droite, le jeune Fernand Lecroq profite de ce moment à la Ferte-sous-Jouarre pour se faire photographie avec l'un de ses camarades. Fernand sera tué début juin sur le Chemin des Dames. Photo : Damien.


Au cours de cette très longue période de retrait des lignes, il me faut citer le séjour à Nogentel (Aisne) du 30 Mars au 10 Avril. Il a été pour le bataillon, le meilleur séjour de détente de la Campagne, tant par l’aménagement que par l’accueil des habitants. Quand, un mois après le 14 mai, nous repassâmes dans le pays, les habitants s’empressèrent auprès de nous en reconnaissance du bon souvenir que nous y avions laissé.s

Le 17 Septembre 18, nous retraversâmes Nogentel abîmé par l’offensive de Mai sur Château-Thierry. Nous revîmes des amis. Bien des nôtres manquaient à l’appel et de tristes nouvelles s’échangèrent.

Extrait des numéros 57 et 58 (1968).


   


Depuis août 1916, Henry Duché a retrouvé la 10e compagnie. En avril 1917, il laisse son commandement pour devenir capitaine major adjoint au chef de bataillon.


   
Les souvenirs d'Henry Duché : mutinerie ???
1. Transcription
respectée.

Donc, en mai 17, nous étions au repos à Jouarre. Après un aussi long séjour hors des tranchées, la discipline s’était relâchée. Au surplus la déception causée par l’effondrement de nos espoirs, alors que nos Chefs nous avaient tant promis la victoire, et les menées souterraines certaines éléments défaitistes  (1) avaient affecté gravement le moral des troupes.

L’ordre donné le 30 Mai pour la remontée en ligne donnait un cafard monstre à ceux nombreux qui avaient cru à la fin du calvaire.

Le drame allait éclater. Le Régiment étant reparti entre 3 bivouacs. Le 30 Mai, le bivouac de Taux comportait 6 compagnies ; 5 d’entre elles, à la suite de bruits suspects assurant que des troupes noires tiraient sur les midinettes en grève à Paris, se mutinent et prennent la route de Château-Thierry pour marcher sur la capitale.

Le Colonel alerté part à la rencontre de la colonne qu’il trouve à un kilomètre déjà de son bivouac. Il parlemente avec les braillards, pauvres êtres simplistes, alors que les meneurs, qu’on a toujours cru en nombre infime, se mettent prudemment à l’écart.

Bientôt, le Colonel peut les convaincre de l’inanité des faits, portés à leur connaissance et de l’extrême gravité de leur révolte, s’ils persévèrent dans leur projet. Il était aimé. Peu à peu, les rangs des manifestants s’éclaircissent. La débandade s’accentue et finalement chacun est de retour au bivouac.
Je ne crois que le Colonel ait fait état de la chose et je n’ai pas ou connaissance de la moindre sanction. C’était mieux ainsi.

JMO du 28e RI : pas de mutinerie
Extrait du JMO pour fin mai 1917 : en effet, aucune allusion au fait rapporté par Henry Duché...


Le lendemain matin, marche d’approche vers le Chemin des Dames. Pas un traînard. Quelques jours après, en ligne, l’une des compagnies mutinées, se rachète en défendant énergiquement le secteur qui lui était confié.

Extrait du numéro 58 (1968).


   
Les souvenirs d'Henry Duché : juin 1917
































1. Le 119 va se faire capturer au moins deux compagnies.

2. Le 3e bataillon est en réserve dans les creutes de la ferme de Rouge-Maison.

3. Le général Pineau, commandant l'infanterie divisionnaire 6.

4. Le commandant Juré.

Le séjour au Chemin des Dames qui se prolongea jusqu’à la mi-Août, constituera pour nous une série d’épreuves, limitées dans le temps, mais extrêmement violentes et constituées surtout d’attaques ennemies à objectifs restreints.

Carte des Bovettes : août 1917
Carte du secteur des Bovettes, août 1917. Merci à Serge Hoyet.
Voici le secteur où le 28e RI aidera le 119e RI à garder le secteur des Bovettes sur le Chemin des Dames.

La première épreuve est la contr’attaque du 6 Juin. Un élément de tranchée est enlevé à un Régiment de la Division (secteur des Bovettes tenu par le 119è)
(1). Notre Bataillon assez loin, reçoit l’ordre de la reprendre. Il faut rassembler les hommes alors à la soupe et marcher sous un violent tir de barrage vers la position à reprendre (2). Le Bataillon perd du temps. Arrivé à pied d’œuvre il n’a plus l’appui de l’artillerie qui a cessé sa préparation. Cependant l’ordre est formel, le commandant donne l’ordre d’attaque. Il faut s’élancer en avant dans un secteur inconnu, sans même savoir exactement où est l’ennemi. Malgré des conditions aussi défavorables quelques éléments se lancent à l’assaut. Ils sont fauchés c’était inévitable. L’échec est certain. Le Général (3) en rend responsable notre commandant qui est relevé de ses fonctions (4). Il est vrai qu’il cherchait l’occasion de prendre à parti notre Régiment alors que les deux autres Régiments de la Division avaient toute sa faveur.

Le commandant Juré est écarté et c'est notre Henry Duché qui devient chef du 3e bataillon... Le 28e RI quitte les Bovettes pour le secteur d'Ailles-La Bovelle.

Le 29 Juin, situation inverse, c’est notre Régiment qui, à son tour, est attaqué et qui doit lâcher du terrain (la Bovelle) Tant bien que mal, les dégâts sont limités par l’action de notre bataillon en réserve, mais il faut faire plus. Le Général donne l’ordre au Régiment (119è) de contre attaquer. Six de ses compagnies s’installent plusieurs heures à l’avance dans la parallèle de départ. Elles ont le concours de l’artillerie. A l’heure fixée elles s’élancent bravement à l’attaque mais sont clouées au sol presqu’aussitôt. Les résultats obtenus sont maigres et, au cours de la nuit, les assaillants doivent en raison de leur position, inconfortable, se replier sur la base de départ. Cette fois, le Colonel de ce Régiment, personna grata auprès du Général, fait mousser l’affaire et obtient une citation.

Le colonel Malvy du 119e RI
Voici la fameuse citation attribuée au 119e RI. À gauche, le colonel Malvy.
Merci à Xavier.

Extrait du numéro 58 (1968).
 

Les souvenirs d'Henry Duché : 31 juillet 1917
1. Il s'agit du
344e Régiment
d'infanterie.

Fin Juillet, le bataillon est de nouveau en ligne au Chemin des Dames pour la défense d'un dangereux saillant. Le 1er bataillon est en tête du saillant, le 3è bataillon, le notre, à l'Est, un autre bataillon étranger à la division à l'Ouest. (1)

Vue actuelle sur le saillant de Deimling
Vue actuelle sur le saillant de Deimling. Photo : V. Le Calvez
Le PC du capitaine Duché – le PC Frise – se trouve le long de la route du Chemin des Dames.
Voir le plan ici.

La position (le saillant de Deimling), un observatoire magnifique, ne pouvait que tenter l’ennemi. Situation aggravante, pour favoriser le Régiment voisin (119è) qui se croyait trop étiré, le Général n’hésite pas à faire placer en ligne, sur un front qu’il devait savoir menacé, les 3 compagnies de notre Bataillon dont le Chef n’avait plus aucune réserve à sa disposition. [Rappelons, pour la compréhension du récit, que le Capitaine Duché commandait alors le Bataillon par intérim].

Le 31 juillet, à midi, ce qu’on pouvait prévoir arrive. Les –strosstruppen– attaquent ; la position du 1er bataillon est enlevée sans coup férir ainsi que le flanc Ouest du saillant occupé par la Division voisine. Le flanc Est est pris à parti également. La 9e compagnie de notre bataillon succombe. Son poste de commandement seul a pu être dégagé par une contre attaque de la 11è compagnie qui réussit à ramener le Corps de son commandant de compagnie mortellement blessé (2).

Fiche "Mort pour la France" d'André Petit
2. Extrait de la fiche "Mort pour la France" d'André Petit.
Le lieutenant Petit commandait la 9e compagnie, il fut tué ce 31 juillet 1917.


La 11è compagnie se défend énergiquement par lutte à la grenade, bien qu’entourée aux 2/3. Loin de se contenter d’une défense passive, elle barricade avec des moyens de fortune, les boyaux d’accès, harcèle l’ennemi et interdit toute progression des assaillants. Elle fit même cinq prisonniers dont deux blessés. Dans cette lutte acharnée la 11e compagnie eut une attitude telle et si bien méritée, qu’elle obtient une citation à l’ordre de la Division. Elle méritait encore mieux.

Au cours de la même attaque, le poste de Commandement du bataillon (PC Frise) est encerclé. Le seul moyen de liaison avec l’arrière est la TPS. Sans discontinuer l’opérateur cable : "Tenons toujours PC. Frise encerclé. Faites barrage artillerie pour nous dégager". Le message est reçu. Le tir d'engagement de nos 75 atteint son but. Cinq heures après, une contre attaque, montée en commun par les deux divisions responsables du saillant, libère le P.C. de l'étreinte ennemie. Mais si elle a dégagé le P.C. elle n'a pu guère dépasser cet objectif et la plus grande partie du saillant est perdue pour nous.
Cette dernière affaire valut à notre Colonel, son limogeage. Le Général avait finalement trouvé l'occasion de s'en débarrasser.

Le lieutenant-colonel Roller du 28e RI
Portrait du lieutenant-colonel Louis Roller.
Roller commandait le régiment depuis le 27 mai 1915.


Nous quittions le secteur vers la mi-août pour aller occuper un secteur devant Saint-Quentin. Nous y restâmes jusqu'à la mi-janvier.

Extraits des numéros 58 et 59 (1968-1969).
 
 
Henry Duché, début 1918


Au début de l'année, le Régiment est en réserve au Camp de Mailly, puis au Camp de la Noblette (Marne). C'est de là que le Général de Division me désigna, au début de Février, pour faire au CID (Centre d'instruction divisionnaire) des conférences et des exercices pratiques sur les nouvelles conceptions de l'organisation du terrain ayant pour but de supprimer les contacts trop étroits avec l'ennemi, de mettre fin à la guerre de mine et aux combats à la grenade, améliorant ainsi, à l'aide, au surplus, d'une ligne de surveillance bien comprise, les conditions de vie aux tranchées.

Le Centre comportait un lieutenant-colonel, un capitaine d'active adjoint et neuf commandants de compagnie. J'étais censé diriger l'instruction. Les cours finirent au début de mars en raison du départ de la Division en Champagne (Secteur de Tahure, Perthes, Souain).

Le CID en février 1918
Voici la composition du CID 6. Le capitaine Duché commande la 12e compagnie.
Source : extrait du JMO du 28e RI.

À peine installé, le Colonel commandant l'infanterie divisionnaire, me chargea du commandement du camp K et de l'organisation de l'un des Centres de résistance de la nouvelle position qui devait briser l'offensive ennemie de Juillet. J'avais sous mes ordres les trois meilleures compagnies du CID, une section de mitrailleurs, une section du génie. Je restais près de deux mois dans cette position, mais j'avais la nostalgie de mon régiment. Je parvins à me faire relever et le 19 juin, je regagnai mon unité d'origine.

Extrait du numéro 59 (1969).


 
L'offensive du Matz - Gournay-sur-Aronde


Le 19 Juin, le Bataillon est transféré dans le Secteur de l’Aronde à peine organisé, pour la protection de Compiègne que l’on croyait menacé.
Le 21 Juillet, le Général commandant le Corps d’Armée chargea le Régiment d’un coup de main. Le Bataillon (que commandait encore le Capitaine Duché) en fournit les effectifs – près de deux Compagnies.
La reconnaissance bien appuyée par l’artillerie eut un plein succès. Six prisonniers furent faits qui donnèrent des renseignements précieux. Le front était assez dégarni et occupé par des unités fatiguées.
Le 10 Août c’est, avec l’appui des tanks Renault, l’offensive générale sur le flanc sud du saillant de Montdidier. Elle eut, dès l’origine, un plein succès ; Canons enlevés, prisonniers faits, avions pris à l’atterrissage. Poursuivant la marche en avant, en pleine nuit, nous retrouvions l’ennemi vers la gare de Roye-sur-Matz à 10 Km de notre base de départ.

L'attaque du 10 août 1918
Le 10 août 1918, les fantassins du 28e RI parcouront plus de 10 km !
Finie la guerre de tranchées, c'est la guerre de mouvement.


Les jours suivants, la résistance des Allemands s’affirme, mais malgré nos fatigues, nos attaques ne faiblirent pas. Il nous fallut reprendre le terrain de lutte de 1915 auquel l’adversaire s’accrochait. On y parvint, mais ce ne fut pas sans de graves pertes. On regagne encore 2 Km mais le Bataillon était à bout de souffle.
Du 10 au 27 Août (jour de relève), le Bataillon avait perdu 3 Officiers et 40 Hommes tués, 3 Officiers et 232 hommes blessés ou intoxiqués.

Les trois officiers du 3e bataillon du 28e RI, tués en août 1918
Les trois officiers du 3e bataillon du 28e RI, tués en août 1918 :
le capitaine Marie Lepin et les sous-lieutenants Armand Boivin et Septime Foucard.


Dans la seule journée du 19 (reprise de l’organisation ennemie de 1915) il comptait 2 Officiers, 3 Sous-Officiers, 21 Caporaux ou soldats tués, 2 Officiers, 7 Sous-Officiers, 94 Caporaux ou soldats blessés.
On regrettait fort certes, la disparition de bons Camarades, mais la longueur de la guerre nous avait endurci, nous rendait fataliste en présence des dangers constants qui nous menaçaient. Par contre, devant le succès et la perspective de la fin des hécatombes, le moral de la troupe s’était sensiblement relevé.

Extrait des numéros 59 et 60 (1969).
   

La fin de la Guerre, Henry Duché


La dernière action marquante du Bataillon eut lieu en Champagne, à l’Ouest de Reims précisément dans la région où il avait débuté dans la guerre de tranchées.

Le 30 Septembre, nous prenions position au Nord de la Vesle et nous poursuivions l’offensive en cours. Nous allions la continuer sans désemparer jusqu’à l’armistice.

J’ai vu pas mal de Morts sur le terrain ; mais je n’ai jamais été aussi impressionné qu’à la vue d’un tout jeune allemand, un pied arraché par un éclat d’obus souriant dans la mort d’un sourire angélique. Je ne pouvais croire qu’il s’agissait d’un ennemi.

Le Bataillon, tantôt en ligne, tantôt en soutien, avec des arrêts plus ou moins prolongés, ne devait connaître que des succès, à part quelques accrochages de retardement (passage de l’Aisne sur des ponts de fortune, passage de la ligne Hindenbourg que l’ennemi avait cru inviolable, Camp de Sissonne, affrontement et enlèvement de la ligne Hunding-Stellung, action la plus meurtrière).

La cote 118, camp de Sissonne

Dans la nuit du 4 au 5 Novembre, après un violent tir d’obus toxiques et la pose sur les routes de bombes à retardement, l’ennemi rompit définitivement le contact. La guerre était alors finie pour nous, la division étant relevée par une division italienne. Nous étions alors dans les Ardennes au Sud de Rosoy-sur-Serre.

Mon témoignage prend fin. Toutefois, je tiens à signaler en dernière analyse, un spectacle que je n’ai vu qu’une fois.
Devant la Hunding Stellung, à la suite d’un combat assez meurtrier, nos brancardiers, le drapeau de la Croix Rouge déployé, ont pu, au vu de l’ennemi, ramasser nos blessés étendues entre les lignes.

Les souvenirs d'André Garanger
Le jeune sous-lieutenant Garanger de la 2e compagnie
se souvient de cet incroyable fait :

"Deux hommes : Vergé et Givernaud sont chargés de porter un bref compte rendu avec demande d’envoi de brancardiers. Ils remplissent leur dangereuse mission avec bonheur car à peine une demi-heure s’est elle écoulée qu’apparaît un singulier cortège : en tête, l’adjudant Bourdet brandissant le drapeau de la Croix-Rouge ;
derrière, une colonne de brancardiers avec Dupont, agent de liaison de la compagnie,
qui nous apprend que le capitaine Émo vient d’être blessé par les mitrailleurs qui nous firent tant de mal le matin et qui sont revenus dans leur « nid » sans être inquiétés ni par la 3ième compagnie,
ni par le 3ième bataillon : ils tuèrent Lemonnier et firent d’autres blessés dont le brancardier Chesnier.

Pendant que les grands blessés sont placés sur les civières, Bourdet
(1) veut s’assurer qu’il n’oublie personne. Brandissant de nouveau le drapeau de la Croix-Rouge, il sort de la carrière et, debout, à découvert,
regarde autour de lui : l’ennemi ne tire pas. Il appelle et avance de quelques mètres pour apercevoir
le cadavre de Girard et revient. Les brancardiers ne sont pas assez nombreux ;
deux hommes sont désignés pour les accompagnés qui emporteront deux blessés sur leur dos,
dont le jeune Allemand à qui deux questions avaient été posées :
son âge (18 ans) et la signification des fusées que l’on apercevait dans les lignes ennemies,
de plus en plus fréquemment. Est-ce parce qu’il apparaissait plus jeune encore qu’un poilu
(peut-être celui qui voulu l’achever) lui avait apporté dans l’après-midi un morceau de pain et à boire ?
Et le douloureux convoi s’en va, sous la protection de la Croix-Rouge,
tandis que parmi ceux qui restent certains pensent sûrement : « Les veinards, la guerre est finie pour eux ».

 1. Augustin Bourdet est né le 26 août 1886 à Bosc-Roger (Eure). Il recevra cinq citations en 1914-1918
dont une citation à l'ordre de l'Armée. Habitant Bécon-les-Bruyères (Hauts-de-Seine), il décédera le 26 avril 1961.

Extrait du numéro 60 (1969).
   
 


Photo d'Henry Duché. Photo : Alain Duché
Le capitaine Duché : l'un des officiers les plus décorés du 28e RI.
Photo : famille Duché.


 
Conclusion, Henry Duché


Ce ne sont pas des pages d’héroïsme que je vous présente. Les hommes que j’ai connus, et ils représentent, je crois, la grande masse des combattants, se sont résignés à vivre ces longues et désespérantes années de guerre soutenus par le sentiment du devoir.

J’ai estimé que l’anonymat des chefs et des unités devait être de rigueur. Je maintiens fermement mon point de vue. Il n’y a eu que des combattants qui, avec leurs gradés, ont souffert.

Tous ont eu leurs moments de courage et leurs moments de détresse.

Je crois, au surplus, avoir qualité, moi également un anonyme, pour dire qu’il ne faut pas se fier exclusivement sur de trop belles citations qui, si elles récompenses[nt] certains actes individuels, ne doivent pas éclipser la ténacité des frères d’armes non décorés.

Derrien, tué sur le chemin des dames

Le calvaire a été le même pour tous et, s’il est juste de se souvenir, ce sont surtout de ces malchanceux à la Croix de bois (quand ils ont pu en avoir une) qui, bien souvent, n’ont eu leur croix de guerre que longtemps après l’armistice et qui sont représentés par l’inconnu de l’Arc de Triomphe.

Signé : Duché,
un ancien combattant 1914-1918
avec ses meilleurs sentiments.
 

à la mémoire d'Henry Duché


Le capitaine Duché laissera l'Armée pour poursuivre une carrière aux contributions indirectes. Commis principal à Caen en 1919, il deviendra directeur honoraire des contributions indirectes et commandeur de la Légion d'honneur en 1956.

Le 15 mai 1967, il décède à Cambrai où il repose dans le cimetière de la Porte de Paris. Laissons l'amicale annoncer la triste nouvelle :

Le décès d'Henry DuchéExtrait du bulletin de l'amicale du 28e RI (n°54, décembre 1967).

Henry Duché, 1882-1967
Photos du capitaine Duché.
Tous mes remerciements à Alain, Christian et Geneviève Duché, petits-enfants d'Henry.



Remerciements à 
Alain, Christian et Geneviève Duché, Xavier Bocé et à Jean-François Martin.


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