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Marcel
Lamy,
sergent au 28e RI, né le 16 août 1887 de Rouen
(Seine-Maritime). Enterré à la nécropole de Dormans dans l'ossuaire n°2. Voir sa fiche MPLF. Voir le lien ici. |
Charles
(Christian) Perrusset, soldat
au 28e RI, né le 27 novembre 1892 de Marseille. Voir sa fiche MPLF. |
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Calixte
Barrandé, caporal au 28e RI, né le 6 juin 1883
à Lagny (Seine-et-Marne). Voir sa fiche MPLF. |
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André
Langevin, soldat au 28e
RI, né le 18 février 1890 à Dieppe
(Seine-Maritime) Enterré à la nécropole de Dormans dans l'ossuaire n°1. Voir sa fiche MPLF. |
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Gaston
Chevallier, soldat au 28e RI,
né le 28 mai 1883, de Cenon (Gironde) ? Enterré à la nécropole de Dormans, tombe individuelle n°1195. Voir sa fiche MPLF. |
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Henri
Portier, soldat au 28e RI,
né le 20 septembre 1890, de Saint-Marcel (Eure). Voir sa fiche MPLF. |
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Alexandre Bailleux, caporal au 28e RI, né le 13 janvier 1883, de Paris. Voir sa fiche MPLF. |
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Pierre
Gripon, caporal au 24e RI, né le 18 juin 1883, de Paris. Mort déclarée à Verneuil. Voir sa fiche MPLF. |
Dominique
Salanson, soldat au 24e RI,
né le 1er avril 1884 de Versailles Mort déclarée au pont de Verneuil. Voir sa fiche MPLF. |
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Fernand
(Louis) Durieux, adjudant au
28e RI, né le 30 septembre 1883 à Tain (Drome). Domicilié à Evreux (Eure). Enterré à la nécropole de Dormans, tombe individuelle n°1195. Voir sa fiche MPLF. |
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Georges
Chichon (Chichou), né le
4 mars 1880, de Bernay (Eure). Mort de la suite de ses blessures à l'ambulance 4 à Margny. Voir sa fiche MPLF. |
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Georges Boulay, caporal au 28e RI, né le 17 mars 1892, d'Evreux. Voir sa fiche MPLF. | |
Léon
Lefevre, soldat au 28e RI,
né le 4 octobre 1880, d'Evreux Enterré dans le carré communal d'Evreux-Breux. Voir sa fiche MPLF. |
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Emile
Guillot,
soldat au 24e RI, né le 6 mars 1893, de Benouville
(Calvados). Voir sa fiche MPLF. |
Vendredi
4
septembre 1914
1. Le 3e corps rassemble la 5e et la 6e Divisions d'infanterie. 2. Probablement Le Breuil. Le 28e quitte Le Breuil pour rejoindre la Ville-sous-Orbais. |
Vers
minuit, réveil par le canon, les mitrailleuses, les coups de
fusil ; le bruit du canon moins beau. Les mitrailleuses, une
pétarade rapide, brutale et qui donne
l’idée du
délire et de l’irresponsabilité ; les
coups de
fusils, forts et pressés accompagnés de cris, de
chants,
tantôt clairs, tantôt embrouillés, et du
vagissement
soudain de cette trompette prussienne dont un camarade dit :
«
C’est la Mort ! ». Mais enfin le tout, sans doute à cause de la fatigue, sans grandeur, morose, mécanique, bête, comme un bouillonnement de chaudière ; sauf les cris et la trompette qui y mettaient du barbare ; et enfin de telle sorte que ça ne nous empêcha pas de dormir. C’était le passage, dit-on le lendemain, de ce pont de Dormans qui finalement n’a pas sauté. Et qui sauta, et dont nous ne sûmes plus rien. Avant l’aube, nous repartons par les bois, mais recevons ordre de revenir dans les vignes et d’y faire des tranchées. Pas de pelle, naturellement. Avec deux fagots et des échalas, je me retranche, et Levasseur et moi nous dormons sur la paille. Une aube vient, violette, grise, où le soleil est enfumé, saluée par le canon. Sur le versant gauche, des camarades bleus se glissent entre les vignes, avancent, puis reculent. Ça ne semble pas réel. Sur le versant droit, village éteint. Au fond, fumée. Après quelques coups de canon, sans tirer, nous repartons. Encore les bois, les sentiers, la fatigue. Nous nous reformons près de la ferme et tandis que les officiers disaient au soir que chacun resterait sur ses positions, nous reprenons le chemin de la veille. Encore la fuite ? Encore la route entre les grands peupliers, les chevaux morts, des colchiques, les sacs éventrés, la peine. La fatigue, la chaleur, la honte, les plaisanteries des camarades (on rit de sa misère, disaient-ils ; mais est-ce rire que d’annoncer la prise de Paris avec cette certitude ?) me firent un chagrin à éclater. Ce fut le matin de la destruction du cœur. Car d’une part cette folie de l’homme (malgré la symphonie admirable des obus !) d’autre part la défaite possible de la France (encore que oui ! ce n’est bien que la débâcle du troisième corps (1)) m’accablent. Et tête baissée, marchant dans mes seuls pas, les larmes aux yeux, le cœur contracté par une impitoyable main, je ne puis plus même lire les poteaux indicateurs, et je suis pareil à un homme mort. Nous quittons la route pour entrer dans les bois, et nous marchons sans arrêt. Nous allons être coupés ! dit un lieutenant. Compagnies et régiments confondus, horribles chemins à fondrières, à boue, à suintements horribles. Et rien à boire dans ce marais, mourant de soif. Quelques mûres, et la consolation de quelques houppes légères de bruyère. Épuisement, harassement, coups de canon, mais ça nous est bien égal ! Halte couchée dans ces bois surchauffés ; pas d’eau à cette traîtresse petite maison ! Ha, qu’il faut chaud ! qu’il fait triste ! Traversé un village inconnu (2) ; le canon nous poursuit de cette longue crête. Puis ce long val, toujours les obus au-dessus de nous, leur tracas final, non pas leur chant ; mais rien n’importe à l’homme exténué. |
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![]() La route venant de l'Huis et descendant vers Le Breuil. Photo : V. Le Calvez (avril 2014). ![]() Le "long val" dont parle Thierry est certainement la vallée du Surmelun (ruisseau). Selon certains rapports de compagnie, le 28e passe le ruisseau à la hauteur de La Ville-sous-Orbais. Photo : V. Le Calvez (avril 2014) ![]() Le carrefour de la Ville-sous-Orbais : chemin des troupes qui sont montés sur le plateau des Thomassets. Photo : V. Le Calvez (avril 2014) |
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3. S'agit-il de la ferme des Thomassets ? 4. Le lieutenant Noblesse est lieutenant à la 5e compagnie du 28e RI. Il sera évacué pour maladie en octobre 1914. |
Au long
d’un petit
bois, croyant tomber, je me jette mon quart d’eau
à la
figure ; ranimé ou à peu près,
j’atteins la
grand’halte : une heure sous un affreux soleil. Obus sur
nous.
Nous montons la crête, nous nous couchons, nous gagnons une
meule
près d’une ferme (3), repos !
– un bois plus
loin, repos
! A peine tapis dans ce bois, nous recevons l’ordre de contre-attaquer. Nous ravançons ; joli bois taillis, petit hêtres, petits chênes et broussailles ; couchés un instant, complétés par l’autre demi-section, le lieutenant Noblesse (4) (instituteur, paraît-il, et sous-lieutenant qui dormait fort bien au bruit de la mitrailleuse, comme cet autre Alexandre !) nous fait déployer. Enfin voici le champ de bataille ! enfin voici la ligne de feu ! Nous pas le calme, mais la joie ; une certaine joie excitée et ivre… Le champ, c’est un immense rectangle gondolé ; le soleil derrière nous sur la gauche ; il est environ trois heures. A gauche une crête et un bois. En avant, loin, une crête descendante, grise, entre un bois et la même ferme. A droite, le baisier du coteau, et plus loin les bois du matin. ![]() L"immense rectangle gondolé" du plateau des Thomassets. Photo : V. Le Calvez (avril 2014) Une route longitudinale avec de petits arbres, une route transversale, le long de la ferme, des piquets avec de la ronce, deux haies, deux fossés transverses. Des vaches dans le pré à gauche. Des soldats formant chaîne à chaque plissement. Le canon derrière et devant formant dans l’air de petits nuages. En avant ! La bataille n’est rien de visible, mais du fracas. Le canon bourre le ciel. On sent comme dans l’orage d’énormes ballots d’air comprimé qui se rencontrent. Les balles… d’abord je n’ai pas entendu les balles, mais j’ai cru, oui vraiment, que des oiseaux effrayés par la mitraille s’envolaient près de moi avec un petit piottement. |
5. Est-ce le commandant Denvignes, chef de bataillon du 24e RI qui a remplacé le colonel Allier le 30 août 1914. Selon le JMO, un seul commandant a été blessé ce jour : Denvignes. 6. Il s'agit probablement de Suzanne Jacoulet, sa fiancée depuis juillet 1914. |
En avant !
un bond
!
Voici le premier blessé ; un des nôtres, portant
à
hauteur du cœur sa main noueuse toute rouge d’un
sang lie
de vin. Il dit : « Ce n’est rien ». En
effet, ce
n’est rien. C’est le baptême du premier
blessé. J’ai le cœur si tranquille que
j’en
suis surpris et presque scandalisé par la dureté
qu’il y a certainement dans le cœur
stoïque. Avancement, déploiement. Nous nous couchons, mais nous ne tirons pas car nous avons des camarades devant nous. C’est au deuxième fossé seulement que j’eus cette intuition que ces oiseaux c’était des balles ; cette naïveté me réjouit jusqu’à sourire. Mais je ne puis pas dire combien j’étais content de retrouver en moi-même, aussi simplement, aussi tranquillement le sang des batailleurs ou plutôt celui des mainteneurs et des fidèles au poste. Au fossé, on cria : en retraite ! Les soldats couraient par chaîne disloquée, les blessés s’en allaient clopinant par la route, une vache tuée dormait sur le flanc, les autres écoutaient, fanon tendu, ce grand ravage. Au premier fossé, un commandant (5) nous arrêta qui criait d’une voie enrouée : « En avant ! ils ne sont pas cinquante ! » Debout sur un cheval rouge, agitant son épée, une balle dans le menton lui faisait un trou rouge… « R’en avant ! criait-il, R’en avant ! » J’avance sans me courber dans les éclats d’obus et dans les balles, sans un atome de peur, sans un seul baissement de tête, mais aussi sans nulle excitation ; même pas, du moins je le crois, même pas de l’orgueil. (Je me suis demandé si le danger visible me laisserait aussi tranquille ; mais comment le savoir ? »). Arrivée à la ligne du feu près de la levée de terre, une haie légère, quelques arbres ; abritée par un de ces arbres, hausses à 300, objectif le coin du bois et le poirier, je tire mes premières cartouches, sans joie, avec joie, enfin parce que : qu’est-ce que j’aurais fait ? Un bond ! et nous tirons sur la deuxième ligne. A ma gauche un bon petit caporal à la figure innocente. Il tire. Je le regarde, car les coudes me font déjà mal. Soudain, il dit : « Je suis touché », et sans bouger regarde son épaule gauche. Il se tait ; il n’ose respirer. Puis il lâche son fusil, se retourne un peu sur le flanc, fait le signe de la croix et dit bien doucement : « Dieu me bénisse ! » Puis il joint ses petits poings sous sa petite épaule, et il baisse le front ayant l’air de s’endormir. Comme il ne bouge pas, je me demande s’il n’est blessé que de peur. Un bond ! nous voici sur une ligne qui va d’une meule à la ferme. Le commandant est à cette meule, debout sur son cheval ; il saigne toujours, il crie toujours, il n’a plus de voix. Cette fois, je vois bien l’ennemi, ombres défilées et déployées et je lui tire dessus, mais pas vite car les coudes me font mal et je ne puis pas élever mon fusil. Je passe des cartouches à gauche et à droite. Mes deux voisins et moi nous tiraillons, bien tranquillement. Ils ont mis leur sac devant leur tête, j’ai gardé le mien au dos. Une balle frappe la gamelle du voisin de gauche et dévie ; une autre me siffle de si près à l’oreille que je me dis avec un sourire : ô S. (6), en voici une qui a passé bien près de ce visage chéri ! Mais soudain le voisin de gauche pousse un cri. Il se prend l’épaule à deux mains et crie : oh ! puis il crache un peu de sang. « Sergent, dis-je à son voisin, qu’est-ce qu’il faut faire ? Il élève les sourcils et dit : Déshabillez-vous. Le pauvre garçon ouvre sa capote, son ceinturon, son pantalon. Mais une convulsion le plie en arrière. Un sang glaireux lui sort de plus en plus abondant de la bouche. Il crie d’une grande voix étouffée : « Adieu, les a…mis ! adieu les a… ! » Je me glisse auprès de lui et je serre le bout de ses doigts sanglants. Mais déjà il ramène sa main contre sa bouche, et par ses lèvres, par le nez aussi, il rend tout son sang contre la crosse de son fusil. Il a une figure allongée, rouge, un nez de buveur ; le sang rend ses traits horribles et paisibles. Il penche le front et ne bouge plus. Alors je sentis dans l’épaule un coup de poing très fort et très pointu, suivi d’un arrachement de vrille qui me donne là même convulsion qu’au camarade. J’attendis un moment pour voir si le sang allait venir. Comme non, je dis à mon voisin : « Je suis blessé. – Va te faire panser à la ferme, me dit-il, vas-y en rampant. » Cependant je ne sentais aucun mal et j’étais très surpris. Je respirais sans douleur et je songeais que si j’avais défait mon sac, comme les voisins, j’aurais assurément eu le poumon traversé. Sac, (pauvre cher vieux raseur ! pensai-je), musette, fusil, ceinturon, je laissai tout ça et m’en allai tout droit. Au fossé, je tombe, je roule et je reste là mordant un peu l’herbe. Cependant, le canon, les petits nuages blancs, les balles et les blessés qui s’en allaient si tristes… Mon Dieu, comme j’en avais assez de l’homme ! et en même temps, blessé pour blessé, comme j’étais content que ce fut à cet inutile bras gauche ! Relevé, je fais quelques pas, pas vite, et tournant l’angle de la ferme, je tombe dans le charnier, car on y pansait, et dans l’oasis car les balles n’y tombaient plus, et la paix y était fraîche comme de l’ombre. On pansait, mais le sergent me fit entrer dans la ferme, une sorte de hangar plein d’hommes sanglants et de paille. L’infirmier s’occupa de moi tout de suite, et me pansa délicatement. A cause du sang perdu, je faiblis un peu sur les genoux et je vis beaucoup de brume, en même temps un grand froid. Mais ça passa. ![]() La ferme des Thomassets. Photo : V. Le Calvez (avril 2014) A peine assis contre le mur à côté d’un autre bras sanglant, les Allemands avec un grand piétinement entrèrent dans la cour : « Plessés ! Plessés !… Ceux qui ont des mains lèvent les mains. Ils trouvent quelques fusils qu’ils brisent par la crosse avec des mines terribles. Puis on entend un coup de fusil ; un Français sort d’un coin d’écurie : ils visent à trois, debout ; ils tirent, il tombe. Dès lors, je commence de parler allemand avec eux et ils nous donnèrent tout ce que je leur demandais : notamment un pauvre misérable blessé au ventre qui demandait en gémissant du lait, de l’eau, une brique chaude, de la paille, une capote, un matelas ! Un officier, le capitaine, accourut en jouant de la cravache. Il cria dans un français grotesque : « Messieurs les prisonniers qui peuvent marcher, levez-vous, où je vous tue ! » Mais il se radoucit dès qu’on lui eût parlé de moi, quoique me disant que nous portions la responsabilité de la guerre. Les blessés geignaient et saignaient. Un certain nombre d’Allemands, mais la grande majorité de Français. Maintenant j’étais couché dans la paille. Un sergent à ma gauche râlait déjà. Et les Allemands vivants traquaient les poules, faisaient du feu, gobaient les œufs (l’un deux m’en donna un) et pillaient la cave. |
"J'ai
reçu ce matin (19.08.76) la lettre concernant le projet de
pélerinage à Loivre et y souscrit volontiers ;
donc carte
blanche... Ainsi que tu en avais exprimé le
désir, je
vais essayerde te narrer l'aventure qui m'est arrivée le 3
septembre 1914 [le 4] à l'affaire d'Orbais. Ce jour là, alors que la retraite se poursuivait, dans l'après-midi un clairon sonne la charge, aussitôt nous faisons demi-tour et à plusieurs centaines de mètres, les allemands : le feu à volonté nous est commandé, mais cela ne dure pas longtemps et ordre nous est donné de nous replier. A ce moment là deux de mes hommes sont blessés, l'un au bras, l'autre à la cuisse, traversée par une balle ; j'emmène ce dernier derrière une meule de grain et lui fais son pansement puis le conduis dans une ferme qui, je crois, était la ferme des Thomassets où déjà il y avait des blessés ; on trouve un cheval, une voiture que l'on remplit de blessés et je pars rejoindre ma compagnie. A peine avais-je fait quelques centaines de mètres que je ressens un violent coup au genou ; mais je continue néanmoins et, ayant rejoint un groupe de camarades, la douleur étant plus forte, je regarde et je vois une goutte de sang ; je prends mon mouchoir et l'essuie. Mais, pour repartir c'était plus dur et enfin au bout d'un moment n'y tenant plus, je m'arrête sur le bord de la route. C'est alors qu'une partie de ma compagnie arrive dont Henri LELOUP et Félix CHERET qui me prennent chacun par un bras et je fais ainsi quatre kilomètres souffrant atrocement. Enfin, nous arrivons à un poste de secours et je suis mis sur un brancard ; quand le médecin major m'a regardé, il n'a pas voulu me reconnaître blessé et m'a traité de tous les noms : lâche, feignant, mauvais français, et j'en passe, me menaçant de me faire exécuter si je ne reprenais pas la route ; inutile de dire que je me défendais. Par bonheur pour moi, car je ne sais ce qu'il me serait arrivé, vint à passer un aumônier de la division, il s'approche et demande ce qui se passait ; il y a eu une violente discussion entre lui et le major et finalement ce dernier dit aux infirmiers : "foutez le là, les boches le ramaseront". Ce qui fut dit fut fait et je suis resté sur le terrain. Le soir venu je me suis traîné dans une maison face au terrain où se trouvaient les blessés et le lendemain, dans la matinée, nous avons eu la surprise d'avoir la visite des uhlans. Dans la soirée, nous avons été transportés à Montmirail où nous sommes restés jusqu'au 9, jour où nous avons, avec joie, vu remonter le 28e et retrouvé notre liberté. Le 10, nous embarquons à Joiselle et le 12 arrivons à l'hôpital de Château-du-Loir où je reste jusqu'au 22 ; de là, dirigé sur l'hôpital d'Evreux pour avoir une convalescence, je m'y présente le 24, mais une déconvenue m'attendait, car la fatigue du voyage, deux jours, avait aggravé mon cas et c'est avec un genou aussi gros que ma tête que je me suis présenté devant le docteur lequel m'a envoyé immédiatement à la radioscopie. Diagnostique ? forte hydarthrose et balle dans la partie inférieure de la cuisse gauche, la base sous la rotule et le sommet à un millimètre du fémur, laquelle a été extraite le 25 ; j'ai donc gardé cette balle pendant 21 jours ; finalement, en fait de convalescence, j'ai eu 15 jours de repos au corps. [...] Il est entendu que ce récit ne mérite guère l'attention... s'il n'en vaut pas la peine, n'en parle pas [...]" |
A
Château-Thierry, les
Allemands ayant passé la Marne, dont le pont n'avait pu
être détruit, tentèrent de surprendre
l'arrière d'un convoi français qui se trouvait
arrêté par l'encombrement de la route, au lieudit
"La
Petite-Forêt ", entre Le Breuil et Verdon. Un premier combat eut lieu près de Verdon, à 8 heures du matin, entre ces Allemands et des tirailleurs algériens qui défendirent le convoi, lequel put être sauvé, moins quelques voitures qui furent incendiées. L'ennemi, traversant rapidement les bois de Genlis, attaqua vers midi les 24e et 28e de ligne (les pertes du 24e sont les plus élevées) 1 avec leurs réserves, et le 22e d'artillerie qui l'attendaient depuis le matin sur les hauteurs dominant La Ville-sous-Orbais. Nos soldats portés sur une éminence proche de la Ferme de la Bufferie, soutinrent vaillamment le choc, malgré leur grande fatigue (ils avaient dormi cinq heures en cinq jours) et firent subir à l'ennemi des pertes sévères. Mais l'arrivée, vers 2 heures, de mitrailleuses dont les nôtres étaient dépourvus et de renforts allemands venant de Dormans, força nos soldats à se replier, échelon par échelon, jusqu'à la ferme des Thomassets et les petits bois voisins qui furent défendus avec acharnement. La ferme fut prise et reprise à la baïonnette. Furieux, les Allemands achevèrent des blessés dans la cour 2. Le combat se termina vers 7h. 1/2 du soir par la retraite des nôtres vers Fromentières où l'ennemi s'empara d'une ambulance avec 40 Français blessés, installée à la Ferme de Bièvre. Beaucoup de braves sont tombés dans la plaine et dans la ferme et reposent sur les lieux. Le nombre en est supérieur à 200, mais je ne peux préciser, les Allemands en ayant inhumé une partie. Le lieutenant Schiffer 3, blessé vers 2 heures d'un éclat d'obus au front, continua à diriger ses hommes et tomba frappé d'une balle dans la tête à la fin du combat. L'adjudant Durieux 4, commandant une compagnie, ayant été blessé également non loin de là, est allé mourir dans un bois, à 500 mètres plus loin. En ces lieux, un certain nombre de sous-officiers reposent avec leurs hommes. L'un d'eux, le sergent Hauduc 5, a pu être reconduit au cimetière de La Ville. 80 blessés français, abandonnés sans secours, furent soignés pendant trois jours par ma femme et ma fille aidées d'une dame émigrée. Emmenés par les Allemands à Le Breuil, ils furent délivrés le 10 septembre suivant, par nos troupes victorieuses sur la Marne 6. Les pertes des ennemis paraissaient plus élevées que les nôtres. Un calcul fait par eux à la porte de l'église de La Ville porte le chiffre de 240 hommes, plus une trentaine enterrés à Le Breuil. Un capitaine, cinq lieutenants et cinq sous-officiers de race noble furent inhumés dans le cimetière de La Ville. Plusieurs officiers tués par l'artillerie française, reposent également à Le Breuil. Le reste est enfoui près de la ferme de la Bufferie. Mais, on prétend qu'une partie des cadavres fut enlevée pour être incinérée. Notes : 1. Le JMO du 28e RI indique des pertes de 391 hommes, celui du 24e RI une centaine d'hommes. Comment expliquer cette différence entre ces deux sources ? 2. Est-la scène que décrit Albert Thierry ? : " Puis on entend un coup de fusil ; un Français sort d’un coin d’écurie : ils visent à trois, debout ; ils tirent, il tombe." Thierry est-il dans la ferme des Thomassets ou dans une autre ferme ? 3. Paul Schiffer. Voir sa fiche MPLF. Une plaque lui rend hommage à Margny, village se trouvant au sud de la ferme des Thomassets. Voir la plaque 4. Le nom de cet adjudant est gravé sur l'une des plaques du monument de la ferme des Thomassets. 5. Paul Hauduc était sergent au 24e RI. Deux ouvrages lui sont consacrés. Voir sa fiche MPLF. Voir aussi sa photo sur Mémorial Gen Web. 6. Albert Thierry sera effectivement libéré le 10 septembre par une compagnie du 36e RI. Télécharger ces pages (format PDF, 844 Ko) avec : - le récit de M. Faivre. - l'article sur le 2e anniversaire des combats du 4 septembre 1914. |